Été 1936 :
du front des grèves
au front de mer

Après la victoire du Front populaire aux législatives, il y a 85 ans, l’affrontement entre la gauche et la droite se durcit en Provence. Heureusement, les premiers congés payés offrent un bol d’air.

Défilé sur la Canebière après l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Léon Blum / La Provence

Défilé sur la Canebière après l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Léon Blum / La Provence

Défilé sur la Canebière après l’arrivée au pouvoir du gouvernement de Léon Blum / La Provence

Le 6 février 1934 à Paris, les Ligues d’extrême droite provoquent une émeute qui fait près de 20 morts. Face à cette montée des dangers, les partis de gauche et les syndicats décident une union politique dont la Provence est un des fers de lance. Elle aboutit à la victoire du « Front populaire » aux élections législatives d’avril et mai 1936. Dans les Bouches-du-Rhône, la gauche totalise neuf députés sur onze, à la fois socialistes et communistes. Au niveau national, une tendance identique ouvre la voie à un gouvernement de gauche… mais sa mise en place prend du temps et les salariés s’impatientent.

Pour le 1er-Mai 1936, les syndicats organisent une démonstration de force à Marseille / Delcampe

Pour le 1er-Mai 1936, les syndicats organisent une démonstration de force à Marseille / Delcampe

Pour le 1er-Mai 1936, les syndicats organisent une démonstration de force à Marseille / Delcampe

Le ravitaillement des grévistes des Forges et Chantiers de Provence / Delcampe

Le ravitaillement des grévistes des Forges et Chantiers de Provence / Delcampe

Le ravitaillement des grévistes des Forges et Chantiers de Provence / Delcampe

« Des grèves débutent à Marseille le 23 mai, à l’initiative des métallurgistes, détaille l’historien Robert Mencherini, auteur de la série 'Midi rouge, ombres et lumières' (Syllepse). Elles s’étendent alors à l’ensemble des secteurs productifs et de transport (sauf les cheminots), aux dockers, marins, aux grands et petits établissements industriels et commerciaux ». À Avignon, le Syndicat des ouvriers du bâtiment est particulièrement actif.

Février 1936, des gardes mobiles encadrent une grève des dockers à Marseille / Delcampe

Février 1936, des gardes mobiles encadrent une grève des dockers à Marseille / Delcampe

Février 1936, des gardes mobiles encadrent une grève des dockers à Marseille / Delcampe

Carte d'électeur pour les législatives de 1936 / Delcampe

Carte d'électeur pour les législatives de 1936 / Delcampe

Carte d'électeur pour les législatives de 1936 / Delcampe

Affiche de la CGT pour le 1er-Mai 1936, qui a lieu entre les deux tours des élections / La Provence

Affiche de la CGT pour le 1er-Mai 1936, qui a lieu entre les deux tours des élections / La Provence

Affiche de la CGT pour le 1er-Mai 1936, qui a lieu entre les deux tours des élections / La Provence

Personnel en grève d'une savonnerie de la région marseillaise / Delcampe

Personnel en grève d'une savonnerie de la région marseillaise / Delcampe

Personnel en grève d'une savonnerie de la région marseillaise / Delcampe

Manifestation durant l'été 1936 à Marseille contre la hausse du ticket de tramway / Delcampe

Manifestation durant l'été 1936 à Marseille contre la hausse du ticket de tramway / Delcampe

Manifestation durant l'été 1936 à Marseille contre la hausse du ticket de tramway / Delcampe

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Février 1936, des gardes mobiles encadrent une grève des dockers à Marseille / Delcampe

Février 1936, des gardes mobiles encadrent une grève des dockers à Marseille / Delcampe

Février 1936, des gardes mobiles encadrent une grève des dockers à Marseille / Delcampe

Carte d'électeur pour les législatives de 1936 / Delcampe

Carte d'électeur pour les législatives de 1936 / Delcampe

Carte d'électeur pour les législatives de 1936 / Delcampe

Affiche de la CGT pour le 1er-Mai 1936, qui a lieu entre les deux tours des élections / La Provence

Affiche de la CGT pour le 1er-Mai 1936, qui a lieu entre les deux tours des élections / La Provence

Affiche de la CGT pour le 1er-Mai 1936, qui a lieu entre les deux tours des élections / La Provence

Personnel en grève d'une savonnerie de la région marseillaise / Delcampe

Personnel en grève d'une savonnerie de la région marseillaise / Delcampe

Personnel en grève d'une savonnerie de la région marseillaise / Delcampe

Manifestation durant l'été 1936 à Marseille contre la hausse du ticket de tramway / Delcampe

Manifestation durant l'été 1936 à Marseille contre la hausse du ticket de tramway / Delcampe

Manifestation durant l'été 1936 à Marseille contre la hausse du ticket de tramway / Delcampe

Cette mobilisation porte ses fruits. Dirigé par Léon Blum, un gouvernement est investi : il réunit socialistes et radicaux, avec le soutien extérieur des communistes. Le 7 juin, les accords de Matignon permettent de sérieuses améliorations de la condition ouvrière : augmentation des salaires, 15 jours de congés payés, semaine de 40 heures, conventions collectives, mise en place de délégués du personnel. Elles sont complétées par des accords locaux, tel celui évoqué par le « Dictionnaire biographique Le Maitron » à propos de Fernand Arnal, alors responsable vauclusien de la CGT réunifiée : « Il signa le 17 juillet avec Lucien Trilles, comme représentant du syndicat du Bâtiment, la première convention collective qui clôturait la grève du Bâtiment ».

Le socialiste Léon Blum en 1936 / La Provence

Le socialiste Léon Blum en 1936 / La Provence

Face à face musclé entre les partisans du Front national et ceux du Front populaire, le 18 juin 1936 à Marseille / Delcampe

Face à face musclé entre les partisans du Front national et ceux du Front populaire, le 18 juin 1936 à Marseille / Delcampe

Face à face musclé entre les partisans du Front national et ceux du Front populaire, le 18 juin 1936 à Marseille / Delcampe

Rassemblée au sein d’un « Front national » soutenu par le patronat, la droite qui s’est radicalisée ne désarme pas. Le 16 juin, le président de la Chambre de commerce de Marseille dénonce « l’influence d’éléments étrangers ou trop facilement naturalisés » qui attisent les grèves. Il appelle, en réaction au « drapeau rouge (qui) circule à Marseille, arboré par les taxis qui assurent le mouvement révolutionnaire (et qui) flotte au haut du nouvel édifice de l’Administration des postes et télégraphes », à pavoiser partout aux couleurs tricolores. La gauche s’élève contre cette déclaration, « qui constitue une véritable provocation contre le monde du Travail et le gouvernement du Front populaire que le peuple souverain s’est librement donné ». Les 17 et 18 juin, le centre de Marseille est le théâtre de violents incidents. Dans les jours qui suivent, la droite multiplie les manifestations publiques, avec des dizaines de milliers de participants.

En Vaucluse, rapportées par Édouard Lynch dans « Moissons rouges » (Septentrion), des échauffourées éclatent entre cultivateurs, maraîchers et grévistes, l’acheminement de la production étant perturbé : « La presse de droite, locale et nationale, se saisit de l’événement pour soutenir la salutaire révolte des paysans contre les ouvriers, fauteurs de trouble ». Le 11 juillet, le journal « Le Soleil » use d’une manchette retentissante, appelant les paysans de Provence à « aiguiser leur fourche (sic) pour faire la moisson ». Ce n'est que le 13 juillet, après une rencontre organisée entre les protagonistes, qu'un terrain d'entente est trouvé. « L’affaire remonte jusqu’au Parlement avec l’interpellation du centriste Pierre Dignac qui, à partir de ces incidents, met en cause l’attitude du gouvernement et de son ministre de l’Intérieur, Salengro, qui s’était engagé devant le Sénat à assurer le maintien de l’ordre », relève Édouard Lynch.

Paysans dans les années 1930 / La Provence

Paysans dans les années 1930 / La Provence

Sur la plage des Catalans, à Marseille / Entropie

Sur la plage des Catalans, à Marseille / Entropie

Sur la plage des Catalans, à Marseille / Entropie

Après des semaines de tension, l’apaisement est toutefois de mise au mois d’août. Les premiers congés payés permettent de troquer le front des grèves contre le front de mer, comme en témoignera la militante marseillaise Raymonde Tillon : « Tout le monde avait envie d’aller camper, se baigner, bivouaquer à la belle étoile (…). Nous allions surtout dans les calanques de Sormiou, Port-Miou et En Vau car nous avions trop à faire pour penser à de grands voyages, de toute façon hors de notre portée financière. Le sport occupait mes loisirs. Membre d’une équipe de basket de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), je participais aussi à des courses de relais ».

On se presse sur les plages du littoral, il y a également foule dans les campagnes et à la montagne. « Notre but simple et humain, est de permettre aux masses de la jeunesse française de trouver dans la pratique des sports, la joie et la santé et de construire une organisation des loisirs telle que les travailleurs puissent trouver une détente et une récompense à leur dur labeur », lance à la radio Léo Lagrange, le sous-secrétaire d'État à la Jeunesse et aux Loisirs. La France découvre les vacances, la Provence s'impose comme une destination privilégiée. Le secrétaire de l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône, Charles Nédelec, dresse un véritable plaidoyer pour « une aviation au service des travailleurs » et incite les syndiqués à rejoindre la Section d’aviation populaire de Marseille. Celle-ci possède trois avions et donne une instruction gratuite pour l’obtention du brevet de pilote.

Voyage en groupe sur la Côte d'Azur / Archives départementales 13

Voyage en groupe sur la Côte d'Azur / Archives départementales 13

Voyage en groupe sur la Côte d'Azur / Archives départementales 13

Jean Giono à la fin des années 1930 / Centre Jean Giono

Jean Giono à la fin des années 1930 / Centre Jean Giono

L’été est également occupé à des activités culturelles : sous la présidence d’honneur de Jean Giono, la Maison de la Culture de Marseille, la première en province, est particulièrement active. On va au cinéma, où sortira bientôt « La Belle équipe » de Julien Duvivier. Pause bienvenue, qui n’empêche pas de nouvelles difficultés à la rentrée : la crise économique que connaît la France depuis 1931 entrave l’action du Front populaire et provoquera son échec…

Affiche de « La Belle équipe », film de Julien Duvivier / La Provence

Affiche de « La Belle équipe », film de Julien Duvivier / La Provence

Affiche de « La Belle équipe », film de Julien Duvivier / La Provence

Jean Gabin trouve un de ses meilleurs rôles dans « La Belle équipe » / La Provence

Jean Gabin trouve un de ses meilleurs rôles dans « La Belle équipe » / La Provence

Jean Gabin trouve un de ses meilleurs rôles dans « La Belle équipe » / La Provence

Avec Jean Gabin et Charles Vanel, « La Belle équipe » symbolise l'esprit du Front populaire / La Provence

Avec Jean Gabin et Charles Vanel, « La Belle équipe » symbolise l'esprit du Front populaire / La Provence

Avec Jean Gabin et Charles Vanel, « La Belle équipe » symbolise l'esprit du Front populaire / La Provence

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Affiche de « La Belle équipe », film de Julien Duvivier / La Provence

Affiche de « La Belle équipe », film de Julien Duvivier / La Provence

Affiche de « La Belle équipe », film de Julien Duvivier / La Provence

Jean Gabin trouve un de ses meilleurs rôles dans « La Belle équipe » / La Provence

Jean Gabin trouve un de ses meilleurs rôles dans « La Belle équipe » / La Provence

Jean Gabin trouve un de ses meilleurs rôles dans « La Belle équipe » / La Provence

Avec Jean Gabin et Charles Vanel, « La Belle équipe » symbolise l'esprit du Front populaire / La Provence

Avec Jean Gabin et Charles Vanel, « La Belle équipe » symbolise l'esprit du Front populaire / La Provence

Avec Jean Gabin et Charles Vanel, « La Belle équipe » symbolise l'esprit du Front populaire / La Provence

« Les tensions internationales et les divergences en matière de politique économique et sociale intérieure ont raison de la coalition au pouvoir, note Robert Menchérini. La guerre d’Espagne, la politique de non-intervention prônée par Léon Blum, les accords passés par Édouard Daladier à Munich avec Hitler en septembre 1938, divisent socialistes, communistes et radicaux. La rupture définitive du Front populaire est actée lors du congrès du parti-radical socialiste à Marseille à la fin octobre 1938 ». Un mois plus tard, un appel de la CGT à la grève générale tourne court.

Quête organisée par le Secours populaire des Bouches-du-Rhône, à la Bourse du travail d'Arles / CRDA

Quête organisée par le Secours populaire des Bouches-du-Rhône, à la Bourse du travail d'Arles / CRDA

Affiche du Parti social français, créé par les Croix de feu / Delcampe

Affiche du Parti social français, créé par les Croix de feu / Delcampe

Affiche du Parti social français, créé par les Croix de feu / Delcampe

En 1939, deux consultations électorales partielles permettent de mieux apprécier les rapports de force politiques à Marseille à ce moment-là : municipale, pour pourvoir au remplacement des conseillers démissionnaires, et législative pour le siège d’Henri Tasso devenu sénateur. Dans les deux cas, on constate le recul des socialistes et la montée des suffrages obtenus par l’extrême droite qui bénéficie de reports massifs de voix de droite. Si l’on ajoute à ce phénomène la forte diminution des effectifs de la CGT, les tensions accrues en son sein, l’offensive menée dans les entreprises par les syndicats professionnels soutenus par le Parti social français (créé par les Croix de feu) et le Parti populaire français (PPF), on constate que le temps du Front populaire est bien fini.

« Ainsi, la période du Front populaire qui a marqué profondément le pays et la région est finalement de courte durée, analyse Robert Mencherini. Elle a permis d’importantes avancées sociales et elle constitue toujours, dans l’Histoire et dans les représentations populaires, une référence très souvent invoquée. Mais on oublie souvent de signaler la remontée de la droite extrême, à partir de 1938, qui constitue une sorte de prologue au gouvernement de Vichy ».

Programme électoral du Front populaire pour les législatives de 1936 / La Provence

Programme électoral du Front populaire pour les législatives de 1936 / La Provence

Caricature de Sennep lors des élections de 1936 / La Provence

Caricature de Sennep lors des élections de 1936 / La Provence

Tract antisémite diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract antisémite diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract antisémite diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract anticommuniste diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract anticommuniste diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract anticommuniste diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract du Parti social français en référence à la guerre d'Espagne / Delcampe

Tract du Parti social français en référence à la guerre d'Espagne / Delcampe

Tract du Parti social français en référence à la guerre d'Espagne / Delcampe

Tract du Parti social français en soutien du Front national / La Provence

Tract du Parti social français en soutien du Front national / La Provence

Tract du Parti social français en soutien du Front national / La Provence

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Caricature de Sennep lors des élections de 1936 / La Provence

Caricature de Sennep lors des élections de 1936 / La Provence

Tract antisémite diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract antisémite diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract antisémite diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract anticommuniste diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract anticommuniste diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract anticommuniste diffusé par le Parti social français créé par les Croix de feu / Delcampe

Tract du Parti social français en référence à la guerre d'Espagne / Delcampe

Tract du Parti social français en référence à la guerre d'Espagne / Delcampe

Tract du Parti social français en référence à la guerre d'Espagne / Delcampe

Tract du Parti social français en soutien du Front national / La Provence

Tract du Parti social français en soutien du Front national / La Provence

Tract du Parti social français en soutien du Front national / La Provence