Adam de Craponne, le Salonais qui a détourné la Durance
HISTOIRE / Né en 1526, il devient ingénieur du roi. En 1554, il reçoit le droit de creuser un canal de 60 kilomètres destiné à l’industrie et à l’irrigation.
Si Salon-de-Provence doit sa notoriété aux prophéties de Nostradamus, c’est en revanche Adam de Craponne qui lui a apporté la prospérité : au XVIe siècle, il réalise des travaux d’une ampleur exemplaire pour l’époque, la dérivation jusqu’à l’étang de Berre des eaux de la Durance sur 60 kilomètres. Grâce à ce chantier, une nouvelle ère industrielle et agricole s’ouvre pour toute une partie de la Provence, particulièrement la Crau désormais irriguée.
Né à Salon-de-Provence en 1526 dans une famille d’origine pisane, Adam de Craponne se destinait à une carrière militaire. Il suit des études, puis se rend à la cour du roi Henri II : il devient ingénieur, officier chargé des fortifications. C’est ainsi qu’en 1552, il est chargé de renforcer et de réorganiser les défenses de Metz, que menace Charles Quint. Aussi ambitieux qu’entreprenant, Craponne obtient en 1554 l’autorisation du roi de dériver l’eau de la Durance. Elle est matérialisée le 17 août par un arrêté des présidents et maîtres rationnaux de la chambre des comptes et archives du Roi en Provence, qui lui accorde "permission et licence à son profit et pour jouir, user et disposer des eaux par les terroirs de la Roque, Lamanon, Salon et autres lieux où bon lui semblera et où lesdites eaux pourront être conduites".
Les travaux commencent aussitôt, grâce à l’argent de la famille d’Adam de Craponne. Habilement, il fait appel "aux communautés des villages desservis, le peuple des travailleurs de la terre fournissant les journées de prestations nécessaires dans chaque village", comme l'explique une étude réalisée pour le ministère de l’Agriculture. Il réalise d’abord une sorte de précanal dont la prise est établie près de Silvacane, puis court jusqu’à Salon : "Il pénétrait dans la ville de Salon par la descente de la Baume, au quartier du Paradou et de là les eaux arrivaient aux remparts vers la porte de Pélissanne puis se jetaient dans 'les garias', fossé qui entourait la vieille ville".
La preuve étant donnée que l’entreprise peut être un succès, Craponne obtient des crédits. Parmi les prêteurs, Nostradamus, médecin réputé, auteur de livres prisés et protégé de la reine Catherine de Médicis. La suite est exaltante : "Dès 1556, ce ’canalet’ fut agrandi et l’eau y fut mise pour la première fois le 13 mai 1557. Des travaux de parachèvement durent encore être exécutés, qui firent que l’eau ne fut permanente jusqu’à Salon qu’à partir du 30 avril 1559".
Conduit par les frères Ravel, le chantier se poursuit vers Pélissanne et Lançon, puis Grans et Istres. Une autre branche se détachait à Lamanon pour Eyguières. Enfin, en 1561, proposition est faite aux consuls d’Arles de leur amener les eaux de Durance. Par la suite, Craponne interviendra sur la Durance en amont, aux Mées. En 1576, il meurt à Nantes, sans doute empoisonné par des concurrents. Le 3 mai 1581, les frères Ravel obtiennent des consuls d'Arles le droit de construire un canal pour arroser la plaine de la Crau. Ils ont demandé et obtenu l'appui de Robert de Montcalm, conseiller du roi et président en sa cour du Parlement d'Aix, qui consacre jusqu'à sa mort en 1585 une partie de sa fortune pour construire dans un temps record le canal d'Arles.
"L’activité usinière a été pendant longtemps un des piliers du canal et sans doute, l’élément moteur de sa construction, note Marylène Soma Bonfillon, auteur d’un ouvrage publié aux PUP. Des moulins sont édifiés dans chaque village traversé. La parité moulin à blé, moulin à huile est de rigueur. Le canal a permis d’augmenter la production de farine et a été un catalyseur de l’industrie, en particulier à Salon par la présence de fabriques de papier, de moulins à paroir et à soie. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, le nombre de moulins à blé augmente et ceux qui existaient ont accru leur capacité de mouture. La branche d’Arles s’équipe de quelques gros moulins, en particulier aux portes de la ville. Le XIXe siècle voit l’apogée de l’activité usinière sur le canal".