BERNARD TAPIE
à la vie à l'OM

"Bernard Tapie, à la vie à l'OM"

Ambassade d’URSS à Paris. Drôle d’endroit pour une rencontre. Pour une renaissance presque, celle de l’OM. Le 4 octobre 1985, de passage à Paris, Mikhaïl Gorbatchev donne un dîner, en hommage à François Mitterrand. Loin des chefs d’État, le hasard a voulu que Bernard Tapie, l’homme d’affaires qui monte, soit assis à côté d’Edmonde Charles-Roux, ancienne lauréate du prix Goncourt et, a priori, à mille lieux du football. Sauf qu’elle est l’épouse de Gaston Defferre, et que le ministre d’État chargé du Plan et de l’Aménagement du territoire dans le gouvernement de Laurent Fabius, est aussi et surtout le maire de Marseille, se définissant parfois lui-même comme “le Maire de l’OM”.

Il a déjà donné de sérieux coups de main à son club depuis trente ans. Subventions, travaux, et même une présence sur le terrain du Parc des Princes en 1972, pour la première finale de coupe de France en ces lieux. En avril 1981, au moment du dépôt de bilan de l’OM, qu’il ne veut pas voir disparaître, il unit ses efforts à ceux d’un autre Cévenol, Jean Sadoul, président du foot professionnel, pour aider le club à repartir. Mais l’OM stagne. C’est Bordeaux qui domine et Jacques Chaban-Delmas en tire alors de beaux bénéfices d’image.

"Qu'attendez-vous pour venir sauver l'OM ?"
Edmonde Charles-Roux

“Qu’attendez-vous pour venir sauver l’OM ?”, lance alors Edmonde Charles-Roux à son voisin de table, dont elle connaît les succès dans le cyclisme. Pourtant, en octobre 1983, quand, à l’issue d’un Grand Prix des Nations, Bernard Hinault avait annoncé dans “Stade 2” qu’il venait de s’engager avec Bernard Tapie, personne ne prédisait de tels succès pour le champion que l’on disait sur le retour et le spécialiste des reprises d’entreprises en difficulté.

En juillet 1985, Bernard Hinault remporte le Tour de France, (un an plus tard, ce sera le tour de son jeune successeur, Greg LeMond). La formation “La Vie Claire” incarne alors le succès dont on rêve pour l’OM. “Chiche !”, répond Bernard Tapie, qui ne va pas tarder à rencontrer Gaston Defferre, à le découvrir et mettre au point une stratégie de reprise du club.

Au moment du décès de la présidente du jury des Goncourt, le 20 janvier 2016, Bernard Tapie lui rendra d'ailleurs un vibrant hommage dans “La Provence”. “Ça a commencé comme ça avec l’OM. À l’initiative d’Edmonde. Pour moi, c’était la définition de la femme parfaite... Une indocile élégante.” “Gaston m’avait mis en rapport avec Jean-Louis Levreau, alors directeur des sports du Provençal, afin de me guider, de me présenter des gens”, nous racontait encore Bernard Tapie, au moment du décès de celui qui devint plus tard vice-président du club, le 10 mars 2016. Ce dernier est d’ailleurs ami avec Michel Hidalgo et c’est à l’acceptation de l’ancien sélectionneur de l’équipe de France de l’accompagner à Marseille, que le repreneur potentiel du club soumet sa venue.

Avec Michel Hidalgo pour garantie

Michel Hidalgo est alors au sommet de sa gloire. En juin 1984, il a mené la France à son premier succès international : l’Euro 84, deux ans après avoir enchanté le monde dans le rôle romantique du perdant magnifique à Séville. Laurent Fabius lui a même proposé un poste de ministre des Sports qu’Hidalgo regrettera plus tard d’avoir refusé.

Proposer un ticket Tapie-Hidalgo, c’est s’offrir une crédibilité dans le monde du football, mettre en avant un homme qui incarne des valeurs saines et posséder un atout pour séduire des joueurs. Ce qui sera avéré avec les transferts, à l’été 1986, de Karlheinz Förster ou Alain Giresse, puis Bernard Genghini. Mais il faut aussi convaincre les dirigeants en poste, ce qui sera un peu plus compliqué, notamment avec le président, Jean Carrieu, qui avait été mis en place en 1981 par Jean Sadoul.

"L'intérêt du football français est d'avoir un grand club européen"
Michel Hidalgo

Dès la mi-décembre 1985, Bernard Tapie, venu rencontrer le maire à Marseille où s’effectuent, menés par un architecte marseillais, Michel Bigoin, les travaux de rénovation de son quatre-mâts “La Vie Claire” (qui deviendra vite “Le Phocéa“), annonce comment il veut transformer le spectacle d’un match ; ce que l’on découvrira effectivement quelques mois plus tard, mais il fixe la date du 15 janvier pour annoncer son acceptation, avec Michel Hidalgo, qui déclare que le “l’intérêt du football français est d’avoir un grand club européen.” Prémonitoire.

La bataille sera pourtant âpre, avec le soutien très fort de la mairie jusqu’à la démission de Jean Carrieu, le 11 avril, à la veille de l’Assemblée générale du club, qui va élire de nouveaux dirigeants, sous la surveillance de Gaston Defferre, dont la présence à la tribune, fait unique dans l’histoire du club, est un signe fort. Après avoir souhaité ne pas être président, Bernard Tapie est élu le samedi 12 avril. Jean Carrieu, dont les affaires professionnelles (BTP) auront lourdement pâti de son rôle de président de l’OM, se suicidera en février 1987. Terrible destin.

D’autant que c’est un peu son équipe, constituée de bric et de broc, mais courageuse, et avec Bell, Anigo, Galtier, Bonnevay, Di Meco... qui ira, sous la conduite de Zarko Olarevic, disputer la finale de la coupe de France, le 30 avril contre Bordeaux. Première apparition “présidentielle” pour le nouveau patron et gros élan de sympathie pour l’OM, vaincu valeureux, victime du Bordeaux invincible et notamment d’un génie nommé Alain Giresse. Clin d’œil du destin.

Défaite mais mise en route de la machine à rêve, chaque apparition publique de Michel Hidalgo ou Bernard Tapie à Marseille attestant d’une attente et d’espoirs immenses. Les noms commencent à circuler. En gros tous les Bleus...

1986-1987 : un capital sympathie

Le recrutement sera d’abord hexagonal, solide, fait d’internationaux, A, olympiques, ou espoirs : Jean-François Domergue, François Brisson, Patrick Cubaynes, Frank Passi, Thierry Laurey, et plus tard Bernard Genghini, puis le buteur qui monte, qui avait pourtant déjà signé à Monaco et qui arrive à l’OM, “sur un tour de passe-passe du président” résumera l’intéressé, Jean-Pierre Papin. Pour corser le tout, un créateur yougoslave qui se révèlera fantasque et irrégulier, mais parfois génial, Blaz Sliskovic et le meilleur défenseur central du monde, Karlheinz Förster, dont la venue à Marseille semblait inimaginable. Effet boule de neige, prosélytisme, toujours est-il qu’avec Gérard Banide comme entraîneur, à la suggestion de Michel Hidalgo, une équipe pratiquant un beau football se profile déjà lorsqu’arrive la cerise sur le gâteau : Alain Giresse.

46 411 spectateurs contre Monaco le 5 août 1986

Écarté comme un has been à Bordeaux, il se réfugie à Marseille et va y vivre deux années d’une grande intensité. Le 5 août 1986 quand Monaco se présente, avec à sa tête Stefan Kovacs, dont Hidalgo avait été l’adjoint chez les Bleus, c’est bien la folie annoncée boulevard Michelet. Le stade est plein à craquer (46 411 spectateurs, longtemps record olympien en championnat) et découvre ce qu’avait annoncé Bernard Tapie : un seul sponsor par match, un écran géant, de la musique, des lasers, un nouveau maillot.

Quelques excès qui seront gommés aussi dans le culte de la personnalité envers le président. Mais cette enceinte respire la joie, le renouveau. D’autant que sur le terrain règne la même atmosphère. Cubaynes marque de la tête au bout de quelques minutes, Papin réussit un doublé. Cette soirée demeure inoubliable, même si les faits de gloire ultérieurs l’ont dépassée en prestige. Cette saison encore marquée par une lutte avec Bordeaux figera les rôles : d’un côté, les méchants, les Girondins, d’un réalisme froid, durs comme Gernot Rohr, avec un président antipathique, Claude Bez, de l’autre, les gentils, les Olympiens, tout fous, comme JPP, enthousiastes, modernes comme Bernard Tapie et avec l’image positive d’Hidalgo et Giresse toujours intacte.

Certes, JPP deviendra un temps “J’en Peux Plus” parce qu’il est maladroit, mais l’OM acquiert un capital sympathie et donne envie aux joueurs de tenter l’aventure. On se dit que cet OM ne restera pas longtemps dans le camp des losers.

1987-88 : demi-finaliste européen

La saison suivante, 1987-88, allait être à la fois frustrante et enrichissante. Individuellement et collectivement. Les échecs du recrutement (William Ayache, Claude Lowitz, Patrick Delamontagne, Ali Bouafia, Pape Fall) vont inciter Bernard Tapie à s’en occuper lui-même à l’avenir. Et à privilégier la personnalité, la capacité à résister à la pression marseillaise. Les réussites laissent entrevoir de beaux lendemains : Yvon le Roux et Klaus Allofs, deuxième Allemand exemplaire qui va tant apprendre à Jean-Pierre Papin. Même l’arrivée d’Abedi Pelé, grand joueur en devenir mais dans un contexte défavorable car il est le troisième étranger, donnera une idée pour plus tard. Et puis, de nombreux jeunes sont lancés, dont Benoît Cauet, Frédéric Meyrieu, Patrice Eyraud.

Le classement final (6e ) sera aussi peu flatteur que l’élimination au premier tour de la coupe de France. Mais le parcours européen sera exceptionnel : demi-finaliste de la coupe des vainqueurs de coupe, pour un club qui n’avait jamais dépassé le deuxième tour, c’est un bond en avant qui servira, en dépit de la désillusion vécue devant l’Ajax Amsterdam. La troisième saison sera la bonne.

1988-89 : le doublé

Après deux journées de championnat, pourtant, personne ne misait sur l’OM. Un nul, une défaite : Bernard Tapie allait démettre Gérard Banide, demander à Michel Hidalgo de monter en première ligne, ce dernier sollicitant Gérard Gili comme entraîneur.

"Bernard Tapie m'a demandé d'assurer l'intérim en attendant qu'il recrute un grand entraîneur"
Gérard Gili

“Bernard Tapie m’a demandé d’assurer l’intérim en attendant qu’il recrute un grand entraîneur européen”, explique le jeune technicien marseillais, sorti du centre de formation et qui se retrouve face à du beau monde.

Aux cadres en place, Tapie a ajouté Gaétan Huard dans les buts, Philippe Thys en défense, Franck Sauzée et Philippe Vercruysse au milieu, Eric Cantona, arraché de haute lutte au Matra Racing, en attaque. Et la reconversion du jeune Eric Di Meco en arrière gauche, voulue par Gérard Banide, va devenir légendaire. En octobre, BT prendra aussi Bruno Germain pour muscler le milieu. Et Papin, à qui Alain Giresse a donné le brassard en fin de saison, va devenir un géant. Buteur, capitaine, relais du président.

"Bernard est venu dans les vestiaires pour me dire qu'il n'était plus question d'aller chercher un autre entraîneur"
Gérard Gili

“Après deux matches nuls, nous nous sommes mis à gagner et les cadres, notamment Papin et Förster ont insisté pour que je reste, raconte Gérard Gili. Après un succès sur le Matra Racing, Bernard est venu dans les vestiaires pour me dire qu’il n’était plus question d’aller chercher un autre entraîneur.”

Ce pragmatisme va se révéler brillant et payant. Au terme d’une longue lutte avec le PSG d’Ivic (qui deviendra un ami de BT) et Auxerre, l’émotion est à son comble le 5 mai 1989, face à Paris, quand, à quelques minutes de la fin, Franck Sauzée délivre le stade Vélodrome d’une frappe de mule. Quinze jours plus tard, l’OM est sacré champion. Le 10 juin, au Parc des Princes, l’OM et Monaco offrent l’une des plus belles finales de coupe de France : 4-3 pour les Olympiens, triplé de Papin qui embrassera François Mitterrand et second doublé de l’histoire de l’OM qui, depuis lors, n’a plus jamais ramené le trophée à Marseille.

1989-90 : la nuit de Benfica

Sachant qu’il est encore plus difficile de se maintenir au sommet que d’y parvenir, s’ouvre à l’été 1989, une ère d’ambitions toujours plus hautes, afin d’éviter l’assoupissement sur ses lauriers.

"Je veux gagner la coupe d'Europe"
Bernard Tapie

Marquée par l’affirmation d’objectifs qui semblent alors encore intouchables pour des clubs français. Quand Bernard Tapie affirme “Je veux gagner la coupe d’Europe”, on le trouve présomptueux parce qu’il a fallu des années à Saint-Etienne pour atteindre une finale, vingt ans après Reims et que les deux clubs ne s’en sont pas remis. Bordeaux a échoué deux fois en demi-finale.

Cette ambition nouvelle va décomplexer le football français. Pas seulement l’OM mais aussi Monaco, puis le PSG, voire Nantes et Auxerre, puis Bordeaux qui, au cours des sept années à venir, obtiendront leurs meilleurs résultats sur la scène européenne et la France sera même classée deuxième nation européenne en 1995. Avant l’arrêt Bosman. On touche là à l’autre aspect des ambitions : l’effectif. Avant cette dérégulation mondiale, chaque club pouvait aligner deux ou trois étrangers et la base de chaque équipe est donc nationale. Les Français s’exportant alors guère, le président doit donc associer les meilleurs joueurs français à trois étrangers qui n’auront pas été choisis par des clubs italiens ou espagnols (les Anglais étant alors encore très insulaires). C’est ainsi qu’arrive le super défenseur central brésilien de Benfica, Carlos Mozer, qui va vite devenir une légende. Mais aussi Manuel Amoros (Monaco), Jean Tigana et Alain Roche (Bordeaux, ennemi sportif mais partenaire “commercial”), et un Anglais. D’abord, il a été question de Peter Beardsley, de John Barnes, de Paul Gascoigne. Mais finalement, c’est un milieu offensif de Tottenham qui arrive, pote de Glenn Hoddle qui a brillé à Monaco : Chris Waddle. Un coup de foudre qui va devenir coup de génie. Si le grand rougeaud voûté de l’été caniculaire suscite d’abord des ricanements, il va se transformer en icône à partir de l’automne, quand Gérard Gili le placera à droite et qu’il aura trouvé sa maison à Aix.

La saison la plus spectaculaire de l'ère Tapie

En attaque, arrive aussi l'élégant Uruguayen Enzo Francescoli pour succéder à Allofs et aiguiller JPP. Ce sera la saison la plus spectaculaire de l’ère Tapie. 75 buts en championnat et une aventure européenne qui rend de plus en plus justice à l’objectif présidentiel : gagner. Après un beau parcours, où l’OM se sort du piège d’Athènes et gagne à Sofia, avec un bon exemple de pragmatisme.

"Je suis avec toi, mais t'as pas intérêt à te planter"
Bernard Tapie à Gérard Gili

Gérard Gili a décidé de titulariser le jeune remplaçant Eric Mura pour prendre au marquage Hristo Stoitchkov que le Barça va acquérir pour une somme record. Personne n’ose le dire à Bernard Tapie qui s’informe par un tête-à-tête avec son entraîneur, lequel, avec des morceaux de sucre, lui décrit son plan tactique. Par deux fois. Il le convainc. “Je suis avec toi, mais t’as pas intérêt à te planter.” L’OM gagne et tout le monde est stupéfait.

L’audace ne fait pas peur à cet OM. Il lui en faut en avril face à Benfica, grand d’Europe, en demi-finale. Sans Gaétan Huard, le gardien qui s’est fracturé la jambe face à Sofia. Le match aller, le 4 avril 1990, est un chef-d'œuvre. L’une des plus belles, des plus inoubliables rencontres vues au Vélodrome. Malheureusement, un poil de malchance (barre, poteau) et de maladresse de la part de Francescoli, qui signera là son bon de sortie, empêchent l’OM de faire mieux que 2-1. Au retour, dans l’enfer de la Luz (120 000 spectateurs et des jets de projectiles et d’urine sur les supporters marseillais), l’OM résiste vaillamment.

"Maintenant, je sais ce qu'il faut faire pour gagner la coupe d'Europe"
Bernard Tapie, après le but de la main de Vata

L’épisode du but portugais est entré dans l’histoire. Par la mauvaise porte. Le remplaçant angolais Vata marque du bras, à sept minutes de la fin. Tout le monde l’a vu, sauf l’arbitre belge. L’OM est éliminé, l’injustice est criarde, scandaleuse. “Maintenant, je sais ce qu’il faut faire pour gagner la coupe d’Europe”, lâche Bernard Tapie, quand tout le monde se demande pourquoi ni M. Van Langenhove ni l’un des assistants n’a vu le bras de Vata.

L’OM sera champion, finissant par mater le Bordeaux de Raymond Goethals, avec deux coups francs de Waddle, mais la nuit de Benfica restera comme une cicatrice…

1990-91 : grand d'Europe

Comment faire mieux en Europe, tout en restant champion de France ? Comment franchir un palier ? Le rachat d’Adidas à l’été 1990 est un premier pas vers la respectabilité. Le foot européen se vit aussi par cooptation. Et le club du patron du premier équipementier sportif, entre, de fait, dans le cénacle des grands. Mais Bernard Tapie, fort de la leçon de Benfica, entend aussi, avoir sur le banc quelqu’un qui inspire l’admiration des instances et des arbitres. Sur la lancée d’Adidas, il convainc Franz Beckenbauer, qui a gagné la coupe du monde avec l’Allemagne, de venir à Marseille.

Tapie souffle Stojkovic au Milan AC

L'effectif a encore bougé. Gaétan Huard blessé, Pascal Olmeta, devenu très populaire avec le Matra-Racing, vient dans les buts, les jeunes Alain Roche et Didier Deschamps sont prêtés, à Auxerre et Bordeaux, et Karlheinz Förster arrêtant douloureusement sa carrière, BT recrute le “meilleur ennemi” de Papin comme stoppeur : Basile Boli. “Prends aussi Bernard Casoni”, lui a conseillé Michel Platini. Au milieu, Bernard Pardo vient apporter de l’expérience, Laurent Fournier de la fraîcheur et la star yougoslave, Dragan Stojkovic, du génie. Tapie l’a soufflé au Milan AC, après que le meneur de jeu de l’Etoile Rouge de Belgrade a failli éliminer à lui tout seul le club de Berlusconi. Il le paye très cher, mais “Pixie” est un immense meneur de jeu. Enfin, devant, tandis que Francescoli s’en va, deux retours surprenants : Eric Cantona, revenu de son prêt à Montpellier et Abedi Pelé, racheté à Lille où il a brillé de mille feux.

En septembre, quand débarque le Kaiser, l’équipe est en tête, invaincue. Gérard Gili démissionne le jour de la présentation de Beckenbauer, dont le premier match à l’OM sera une défaite, à domicile, face à Cannes, où débute le jeune Zinedine Zidane. Les problèmes commencent. Stojkovic s’est blessé au genou et sa saison sera pourrie par cette lésion du cartilage. Beckenbauer a du mal à s’adapter à un environnement et un travail quotidien inhabituel pour lui. Si l’OM se qualifie pour les quarts de finale de la coupe d’Europe, Cantona s’ajoute à la liste des blessés et le Kaiser à celle des mises à l’écart en décembre. Bienvenue Raymond Goethals !

L’ancien entraîneur de Bordeaux n’a qu’un but : Milan. Et ses premiers entraînements, en janvier, visent à peaufiner sa tactique. L’OM, après quelques cartons spectaculaires, arrive en outsider début mars à San Siro. En dépit d’un but encaissé très vite, sur une erreur du duo Mozer-Casoni, l’OM se révèle. Le système Goethals fonctionne et le groupe olympien va faire reculer le grand Milan, heureux de s’en sortir avec un match nul (1-1). La victoire au retour, avec un but de Waddle, dans un état second après deux chocs à la tête, puis l’arrêt d’un pylône d’éclairage dont les Italiens ont voulu tirer partie, font entrer l’OM dans le cercle des cadors.

Goethals a écarté Cantona, perdu Pardo, blessé ; Tigana, Stojkovic, souvent Vercruysse, sont remplaçants, mais le trio magique Pelé-Papin-Waddle, en pleine “waddlemania” fait de l’OM, de nouveau champion, le favori de la finale de la coupe d’Europe.

Bari restera donc à jamais le symbole de la tristesse. Les larmes de Basile Boli, colosse aux pieds d’argile, attestent de la détresse d’une équipe qui a joué pour gagner, mais sans la réussite, ni la fraîcheur nécessaire, face à des adversaires cherchant cyniquement le nul et parvenant à leurs fins. L’Etoile Rouge de Belgrade gagne la coupe d’Europe aux tirs au but et là encore, il faudra en tirer les leçons…

1991-92 : Furiani, la fin d'une époque

À force de se comporter comme un grand club, l’OM doit sans cesse se renouveler pour garder les dents longues, ne pas s’endormir sur ses lauriers. Au lendemain de la défaite à Bari, JPP a failli partir, vexé de la défiance de son président, et courtisé par Silvio Berlusconi. Mais celui qui est devenu le capitaine et l’homme de confiance de Bernard Tapie, va finalement être convaincu par lui de rester un an de plus.

Jocelyn Angloma arrive de Paris, en échange du trio Pardo-Germain-Fournier, Pascal Baills et Daniel Xuereb viennent compléter l’effectif, et au milieu, l’arrêt de Jean Tigana est compensé par le retour de Franck Sauzée, l’arrivée de Jean-Philippe Durand, le recrutement, insolite mais précieux de l’Anglais Trevor Steven et le culot de Didier Deschamps. “Il est prêt pour l’OM”, a glissé Gérard Gili, devenu son entraîneur à Bordeaux, à Bernard Tapie. Et le jeune joueur affirme à son président qu’il ne veut pas être de nouveau prêté et entend s’imposer enfin à l’OM où arrive un nouvel entraîneur, Tomislav Ivic, un passionné aux options assez défensives.

Quatre mois plus tard, la guerre en Yougoslavie permettra d’écarter le Croate en douceur, pour rappeler Raymond Goethals. Insuffisant toutefois pour empêcher l’OM de se faire éliminer en coupe d’Europe à Prague. Les supporters le prendront mal et le président comprendra qu’il lui faut encore modifier son équipe à l’avenir.

La saison sera brillante, l’OM, encore champion, établissant son record du plus petit nombre de défaites et de buts encaissés, sur la route d’un nouveau doublé qui prendra fin en demi-finale de la Coupe de France, à Bastia.

Le 5 mai 1992, une tribune s'effondre à Furiani ; les 17 morts et les milliers de blessés marqueront la fin de la saison. Ce soir-là, beaucoup de victimes apprécieront la présence du ministre de la Ville (Bernard Tapie) et du maire de Marseille, neuro-chirurgien (Robert P. Vigouroux), permettant d’accélérer les secours.

De fait, si Jean-Pierre Papin a pu faire ses adieux le 25 avril lors d’OM-Cannes, annonçant son départ pour Milan, ni Carlos Mozer ni Chris Waddle ne pourront le faire et quitteront Marseille dans l’anonymat, tout en demeurant des légendes.

1992-93 : à jamais les premiers

Rebâtir une équipe de même niveau, c’est une gageure que Bernard Tapie réussit à chaque changement. Les arrivées des jeunes Fabien Barthez et Marcel Desailly ne présentent pourtant pas de garanties, Rudi Völler, le buteur allemand, est considéré par ses détracteurs comme un has been dont la Roma ne voulait plus, Jean-Jacques Eydelie, Jean-Christophe Thomas et Jean-Marc Ferreri sont vus comme des joueurs de complément. Quant au Croate Alen Boksic, que Raymond Goethals avait découvert en 1991 contre l’Etoile Rouge, il vient de passer un an sans jouer et si, à l’entraînement, il laisse une excellente impression, c’est autre chose en compétition.

Pour Jean Fernandez, longtemps adjoint du Belge, la promotion comme entraîneur est un fardeau lourd à porter et les débuts sont difficiles, en dépit des espoirs du premier match laissés par l’Espagnol Rafael Martin Vazquez qui, comme un autre authentique international, le Camerounais François Omam-Biyik, partira avant l’automne.

Les deux premiers tours européens sont passés sans dommage, malgré quelques sueurs face au Dinamo Bucarest, mais après une défaite à domicile contre Nantes qui déclenche la fureur du public, en novembre, l’inévitable se produit : Raymond Goethals revient aux affaires au moment où l’OM entame sa première phase de poule de Ligue des champions. Et le déclic se produit à Glasgow et face à Bruges : une équipe est née (où Di Meco est redevenu titulaire à gauche) et Boksic va en être son buteur. 

Peu à peu, l’OM reprend les rênes en championnat et finit par se qualifier pour la finale de la Ligue des champions, en terminant premier d’un groupe pas très relevé. Mais à Munich, ce sera différent: l’adversaire, c’est Milan AC, avide de revanche et possédant en ses rangs, Jean-Pierre Papin.

Quelques jours avant, lors de la 36e journée de championnat, une polémique éclate : le joueur de Valenciennes, Jacques Glassmann dénonce une tentative de corruption de la part de l’OM sur lui, Christophe Robert et Jorge Burruchaga, avec Jean-Jacques Eydelie pour intermédiaire. Mais l’affaire n’est pas encore prise totalement au sérieux et ne deviendra un tourbillon qu’après la fin des compétitions. Toutes les pensées sont dirigées vers l’Allemagne où l’OM, contrairement à 1991, effectue une mise au vert décontractée. Visite de Chris Waddle, douche à l’eau froide et en direct à l’antenne, de Bernard Casoni sur Roger Zabel, penalties de Bernard Tapie : l’atmosphère est légère, la pression supportable. Dans le car qui mène les joueurs vers le stade olympique, le jeune Barthez va même s’endormir.

Tapie interdit à Boli de sortir

Il est le véritable héros d’un match à sens unique où Milan multiplie les occasions, mais bute sur un gardien phénoménal et souffre du choix de son entraîneur Fabio Capello, qui a préféré Massaro à Papin. Juste avant la pause, un corner douteux est tiré par Abedi Pelé. Basile Boli jaillit au premier poteau et, de la tête, marque dans le coin opposé. Et dire que quelques minutes plus tôt, souffrant du genou, il voulait sortir ! C’est Bernard Tapie qui, relié au banc par talkie-walkie, le lui a interdit. Bon choix ! Ce but va entrer dans la légende, il est le seul du match et Didier Deschamps va soulever la coupe aux grandes oreilles. Le retour à Marseille, la fête au Vélodrome sont des moments inoubliables. Comme va être le match décisif pour le titre quatre jours plus tard au Vélodrome face au PSG. Les Parisiens mènent 1-0 mais un autre coup de tête phénoménal de Boli va faire basculer le match du côté marseillais. 

L’OM fête son cinquième titre d’affilée, couplé à la Ligue des champions et au titre européen de l’OM-Vitrolles handball le lendemain, club présidé par Jean-Claude Tapie, le frère de Bernard. C’est l’apogée d’une époque. L’affaire VA-OM va alors prendre le dessus…

1993-94 : pas de Coupe d'Europe et relégation en D2

Plusieurs joueurs sont partis. Des “historiques” qui avaient perdu leur place comme Pascal Olmeta ou Manu Amoros, mais aussi Franck Sauzée, attiré par l’Italie et Abedi Pelé au départ incompréhensible pour Lyon. Arrivent William Prunier, Daniel Dutuel, Pascal Fugier, Paolo Futre, Gil Rui Barros, mais ce sont deux retours de prêt qui vont vraiment porter leurs fruits : le jeune Alain Boghossian qui, en une saison, va devenir un international en puissance et Dragan Stojkovic qui, revenu d’Italie, va effectuer sa seule vraie saison pleine à l’OM. Marc Bourrier, le nouvel entraîneur, a bien du mérite, lui qui arrive au siège de l’OM en même temps que le juge Beffy, venu perquisitionner dans le cadre de l’affaire VA-OM.

Cette affaire va pourrir la saison. L’OM est d’abord puni par l’UEFA : pas de super-coupe d’Europe, pas de coupe intercontinentale et pas de coupe d’Europe tout court, Monaco étant désigné pour la disputer à la place de l’OM. Les mois qui suivent sont une suite de rebondissements extra-sportifs, dans une atmosphère hostile à l’extérieur, beaucoup de nervosité au Vélodrome (envahissement de terrain, match arrêté contre Metz et suspension à l’automne). Les finances sont dans le rouge et en novembre, Boskic part à la Lazio de Rome et Desailly au Milan. 

Un dernier bon coup du président va permettre l’arrivée d’un buteur brésilien venu du Servette de Genève : Sonny Anderson. Ses nombreux buts vont permettre à l’OM de lutter avec le PSG, même si le club parisien va finir par remporter le titre. En avril, la sanction tombe : l’OM est relégué en D2. L’exode de ses stars se prépare.

1994 : le départ de Tapie

La saignée va faire entrer un peu d’argent au club : Deschamps à la Juve, Boghossian à Naples, Boli aux Rangers, Di Meco à Monaco, Angloma au Torino, Völler à Leverkusen, Prunier et Dutuel à Bordeaux, Stojkovic au Japon. Le reculement pour la D2 est plus modeste mais malin, avec deux anciens, Bruno Germain et Jean-Marc Ferreri, des “locaux”, Marcel Dib et Bernard Ferrer, des Français méconnus, Franco Vignola et Stéphane Mazzolini et deux “vieux” étrangers, arrivés tout droit de la coupe du monde, le Belge Michel De Wolf et l’Irlandais Tony Cascarino. Bernard Tapie propose même un défi à l’Irlandais auquel il ne croit pas vraiment : 15 000 livres s’il marque 20 buts, plus 500 à chaque but au-delà des 20 et s’il n’y parvient pas, c’est Tony qui les paie. Il en mettra 32 ! Mais Bernard Tapie ne les verra pas tous.

Départ le 11 décembre

Le 11 décembre, il quitte le club. Quelques semaines plus tard, il est renvoyé devant le tribunal correctionnel, en même temps que Jean-Pierre Bernès et Jean-Jacques Eydelie. Au printemps 1995, l’OM déposera encore le bilan.

Il y aura eu au moins une dernière grande soirée européenne, en septembre, face à l’Olympiakos, comme un dernier rappel du bon vieux temps…

2001-2002: le retour inattendu

L'OM va mal. En ce début avril 2001, la relégation en D2, déjà évitée un an auparavant à la différence de buts, pour deux petits pions, demeure envisageable. Cette saison est terrible. Commencée avec Yves Marchand président, Eric Di Meco manager sportif, Marcel Dib directeur sportif et le Brésilien Abel Braga entraîneur, elle a vu les quatre hommes partir à l'automne, faute de résultats et d'entente interne. Jean-Christophe Cano a été intronisé directeur sportif, alors que le poste avait été promis à Josip Skoblar. Javier Clemente est entraîneur et Robert Louis-Dreyfus assume la présidence. Malgré la venue de George Weah pour faire plaisir à Dib, l'OM se traîne, les entraînements sont mornes, il faut un électrochoc.

Le 4 avril, la nouvelle devient officielle, après une émission de RTL 9 où Bernard Tapie avait reçu Robert Louis-Dreyfus pour défendre son bilan à l'OM : l'ancien président revient à l'OM, comme “actionnaire associé”, qui prendra en charge toute la gestion du domaine sportif. L'affaire fait grand bruit, suscite beaucoup d'espoir et d'abord celui de voir les joueurs réagir et sauver le club de la descente. RLD a le blanc-seing de Jean-Claude Gaudin et des noms circulent, ceux de Raymond Goethals ou de Jean-Pierre Papin notamment.

Mais si Clemente est logiquement remercié (son adjoint, Christophe Galtier aussi), c'est Tomislav Ivic qui prend l'équipe en mains, avec José Anigo, jusqu'alors coach de la réserve comme adjoint. Dès leur arrivée, une mise au vert est instaurée pour préparer le match du samedi contre Sedan. C'est l'occasion de mettre tout le monde devant ses responsabilités, de redonner le brassard à Patrick Blondeau et chauffer un public enthousiaste qui portera l'OM vers la victoire (2-1, buts de Belmadi et Weah). Sans convaincre, l'équipe se sauve avant la dernière journée, les espoirs se reportant sur la prochaine saison.

Les illusions retomberont assez vite, faute de grands moyens et de politique cohérente. Gallas et Bernardi sont vendus, arrivent une ribambelle de joueurs, allant de l'excellent (Van Buyten, Runje) au très mauvais (Dill, Fernandes, Cavens) en passant par le bon (Leboeuf, Yobo, Swierczewski), le moyen (Jurietti, Fernandao), le médiocre (Delfim, Tuzzio), le très provisoire (Brunel, Rool). En outre, à la veille du premier match, Ivic est débarqué, remplacé par José Anigo, qui se disputera avec Bernard Tapie au bout de quatre journées, Ivic revenant début septembre.

Les problèmes sont aussi très nombreux en interne, avec Pierre Dubiton contrôleur de gestion et Etienne Ceccaldi, ancien haut magistrat, faisant office de secrétaire général, les deux hommes finissant par en venir aux mains.

En décembre, Ivic partira après une alerte cardiaque, remplacé d'abord par Zoran Vujovic, ensuite, durablement par Albert Emon, qui devra gérer les nouvelles arrivées de bons joueurs (Alfonso, Rivera), de moyens (Chapuis, Sakho) ou de mauvais (W. Dalmat, Torrisi, Dimas). Malgré une victoire sur PSG, la magie ne fonctionne plus et en avril, on apprend que Christophe Bouchet, ancien journaliste à l'AFP et au Nouvel Observateur, devient président d'Eric Soccer, la société majoritaire dans l'OM SASP par laquelle Robert Louis-Dreyfus finance le club.

Bernard Tapie s'en va et il ne reviendra que comme invité -acclamé- de Margarita Louis-Dreyfus et Vincent Labrune, au printemps 2013, pour fêter, sur le terrain, les vingt ans de la victoire de l'OM en Coupe d'Europe.

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