Boire
un bon vin,
les meilleures astuces
Avec les confinements, vous avez été nombreux à (re)découvrir le plaisir d'ouvrir une bouteille 100% sympathique. Alors que sort notre magazine « A Table » spécial vins d'été, le maître-sommelier marseillais Yvon Gary vous donne 15 conseils incontournables pour une dégustation réussie.


Yvon Gary enseigne au lycée hôtelier de Bonneveine (Marseille) / DR
Yvon Gary enseigne au lycée hôtelier de Bonneveine (Marseille) / DR
Tensions commerciales avec les États-Unis, freins sur les marchés asiatiques, concurrence internationale de plus en plus vive, le monde hexagonal du vin connaît des soubresauts depuis plusieurs années. Qui sont devenus tempête avec la crise de la Covid-19, entre violent coup d'arrêt à l'export et contraintes imposées au secteur de la restauration. Est-ce à dire que déboucher une bonne bouteille à domicile serait un acte solidaire avec les viticulteurs et les négociants ? Assurément… à condition de le faire avec modération ! Voilà de quoi donner bonne conscience à tous ceux qui, durant les trois confinements, ont sacrifié au plaisir d’accompagner leurs réalisations culinaires d’un petit vin de derrière les fagots. Et qui ont depuis cultivé cette tendance. Reste que pour tirer le meilleur de votre bouteille, il y a des règles à respecter. Que vous dévoile Yvon Gary, maître sommelier UDSF et enseignant au lycée hôtelier de Bonneveine (Marseille).
LA PRÉPARATION
La discussion
« Si vous n'avez pas l'habitude de boire du vin, n'hésitez jamais à demander conseil. Par exemple, rendez-vous dans une cave ou pourquoi pas dans un supermarché où l'on trouve souvent de bons professionnels. Expliquez quelles saveurs vous plaisent, ce que vous allez manger, etc. Des amis peuvent également vous aider à trouver votre bonheur. Dans tous les cas, la magie du vin débute avec le verbe ».

Le choix du vin
« L’important, c’est de sélectionner une bouteille adaptée à ce que l’on veut goûter. Donc, l’ouvrir en tenant compte du millésime et de la maturité du vin. Aujourd’hui, on n’attend pas trop qu’un vin évolue, les gens aiment plutôt des vins jeunes avec du corps et du fruit ».

L'ouverture
« Avant d'ouvrir une bouteille, n'oubliez pas de l'essuyer : il serait dommage que la poussière altère le vin. Idem après avoir retiré la protection métallique avec la lame d'un tire-bouchon sommelier, juste en dessous de la petite bague de verre, ce n'en sera que plus joli : la capsule peut laisser un peu de limaille, le bouchon a également pu un peu travailler, etc. Et bien évidemment, après avoir débouchonné la bouteille, sentez le bouchon pour détecter un éventuel problème de réduction ou de fermentation ».

Le carafage
« Pour un vin jeune, il faut qu’il s’aère et donc, qu’il passe en carafe dès qu’il est ouvert. Je recommande une carafe avec une base très large, un peu comme une carafe à porto. Si le vin est trop jeune, on peut pencher la carafe et la tourner, afin de l’aérer au maximum ».

La température
« Il est capital de prendre soin à la bonne température. Pour les blancs et les rosés, on les boit entre 8 et 12 degrés. Pour les plus jolis, c’est entre 10 et 12 degrés. Pour les plus simples, c’est entre 8 et 9 degrés sachant qu’il ne faut pas aller en dessous : plus c’est frais, plus ça masque les qualités comme les défauts, ça écrase tout… N’hésitez pas à remplir un seau d’eau et de glaçons et à poser dessus la carafe, d’où l’intérêt de la base large de la carafe : à la fois, ça aère et ça rafraîchit sans excès. Pour les rouges, ne jamais dépasser les 18 degrés : par exemple en septembre, comme la température moyenne est de l'ordre d'une petite vingtaine de degrés, il faut les rafraîchir, à nouveau avec un seau dans lequel on aura mis moins de glaçons que pour les autres couleurs. La bonne température d’un rouge, c’est 14 à 15 degrés pour un vin léger et 16 à 18 degrés pour un vin complexe, charnu. Autre technique pour aller plus vite, on met du gros sel dans le seau presque plein, on plonge la bouteille et on la fait tourner jusqu’à la bonne température. Puis on la carafe et on la met sur le seau, pour la maintenir al dente ».

LA DÉGUSTATION
L’endroit
« Un vin se boit toujours dans une pièce de couleur claire, car la couleur peut fausser la perception que l’on a du breuvage et donc le goût. Le must, ce sont des murs blancs donc neutres. Des murs rouges vont l’intensifier, il faut s’en méfier. Encore plus perturbants et donc à éviter, le bleu, le vert et le jaune. Si on est à l’extérieur, la lumière du jour soulignera la couleur mais ne la perturbera pas ».

La lumière
« Il faut privilégier une lumière neutre, celle du jour est la meilleure. Attention à l’éclairage jaune, cela va fausser la couleur ».

La température
« Très important, la pièce ne doit pas être trop froide pour ne pas perturber la personne, ni trop chaude pour ne pas perturber la personne… et le vin. Le mieux, c’est 20 degrés ».

Le moment
« On l’ignore souvent mais le vin a ses heures. Entre 10 heures et midi, c’est la perfection. En début d’après-midi, c’est moins efficace. Le soir, c’est très bien aussi… mais il y a des moments qui sont plus propices ! ».

L’odeur
« Méfiez-vous des odeurs perturbatrices dans la pièce, cela peut tout gâcher ! Je pense à une personne très parfumée mais aussi, si l’on est dans une cave, à une odeur pétrolifère. Attention aux odeurs de cuisine ou au plateau de fromages que l’on a sorti du frigo : mieux vaut changer de pièce ».

Le verre
« Ne jamais servir un vin dans un verre qui n’est pas un verre à pied, afin de l’aérer encore plus. Le fond du verre doit être plus large que le bord. Pour s’en convaincre, il suffit de verser du vin dans un verre classique et dans un verre à pied, puis de comparer. La différence est saisissante. Un bon truc, le sentir avant de l’utiliser : il peut avoir une odeur, celle du produit lavant ou même celle du torchon utilisé pour l’essuyer. Idem quand il a été stocké à l’envers, l’air a pu confiner, même le papier posé sur l’étagère peut donner une odeur. Si tel est le cas, il suffit d’aérer le verre en l’agitant un peu ».

Regarder
« Après avoir servi un peu de vin pour le goûter, on prend le verre par le pied, jamais par le calice. On examine alors la robe du vin, sa couleur, son intensité, ses nuances, sa brillance et sa limpidité. Puis, on penche le verre légèrement, on le fait tourner doucement et on revient à la position de départ. On voit alors des larmes couler sur la paroi, c’est très beau. Plus il y a d’alcool, plus la larme coulera doucement. Il existe un phénomène étonnant, qui fait que les larmes peuvent s’autonourrir ».

Sentir
« On place le nez dans le verre et on inspire profondément, en utilisant comme critères pour le définir la qualité, l’intensité, la typicité, la nuance. Il faut savoir que le nez s’éduque ; quand on sent des fleurs, des fruits sur un étal de primeurs, etc., on doit identifier les parfums et les nommer. Ainsi se constitue une bibliothèque personnelle, qui permettra des comparaisons et des associations pour le vin. Par exemple, le parfum de l’acacia est fréquent dans les vins d’Alsace, on retrouve souvent ceux des agrumes dans les vins de Provence, etc. Une fois la signature olfactive de mon verre identifiée, je la partage avec la personne qui est en face de moi, nous confrontons nos opinions. Car un des plaisirs du vin, c’est celui de la discussion. Puis, je fais tourner un peu le vin pour l’aérer et je le sens de nouveau : il doit sentir plus fort. S’il n’a pas évolué et si ce n'est déjà fait, je peux me demander si ça vaut le coup de le passer en carafe pour le sublimer ».

Goûter
« Bien faire circuler le vin dans sa bouche, avec des mouvements de langue, en aspirant un peu d’air entre les dents avec la bouche en cul-de-poule. Vient le moment de l’avaler. Là, on parle d’attaque en bouche, musclée, délicate, etc., de saveurs, de nuances aromatiques, de puissance, on observe la structure du vin, sa consistance, son équilibre. Ensuite, il y a la rétro-olfaction, le deuxième effet où l’on a uniquement les arômes. On va mesurer cette sensation en comptant les secondes, que les professionnels appellent dans leur jargon les caudalies. C’est utile pour l’harmonie de l’accord avec les mets : plus il y a de caudalies, plus on peut marier ce vin avec un plat intense en goût ».

LA CONSERVATION
Réembouteiller
« Si l'on a pas eu l'astuce d'estimer sa consommation du jour et donc de ne la carafer qu'à moitié, on ne termine pas toujours la bouteille que l’on a ouverte… Pour retrouver ce vin avec plaisir si on veut le boire le lendemain, il faut le reverser dans la bouteille avec un entonnoir, puis la reboucher en utilisant par exemple un bouchon en verre, très pratique. Pour le conserver quelques jours, utiliser un bouchon à faire le vide d’air, avec un système de pompe. Ensuite, on le protège de la lumière, qui le casse, et des variations de température : donc, au réfrigérateur ! Bien évidemment, penser à sortir la bouteille longtemps avant de reboire le vin mais ne surtout pas le recarafer, cela pourrait lui être fatal ».
