Confinement 2020 contre le Covid, nos lecteurs racontent le jour J

Vieux-Port de Marseille, la ville immobile vue du ciel / Photo Florent Bonnefoi

Vieux-Port de Marseille, la ville immobile vue du ciel / Photo Florent Bonnefoi

Vieux-Port de Marseille, la ville immobile vue du ciel / Photo Florent Bonnefoi

Il y a trois ans, la France basculait dans le confinement en raison de l'épidémie de coronavirus. D'abord avec des mesures fortes exprimées le 12 mars 2020 par Emmanuel Macron lors d'une allocution télévisée et deux jours plus tard par le Premier ministre (fermeture des établissements scolaires, des lieux de culture, des restaurants, etc.). Ensuite le 16 mars avec une nouvelle intervention du Président, pour l'instauration du confinement applicable à compter du lendemain midi. "La Provence" vous a proposé de raconter ces instants restés gravés dans vos mémoires.

Contrôle des autorisations de déplacement au péage d'Avignon-Nord / Photo Cyril Hiély

Contrôle des autorisations de déplacement au péage d'Avignon-Nord / Photo Cyril Hiély

Contrôle des autorisations de déplacement au péage d'Avignon-Nord / Photo Cyril Hiély

"Des clients nerveux nous ont dévalisés"

Corinne, 58 ans, Marseille : "Je travaille dans la grande distribution. L'annonce du premier confinement, pour nous salariés, fut très lourde à absorber moralement. Des clients nerveux, méchants, agressifs, ont dévalisé les rayons jusqu'à casser les gondoles et les étagères pour être les premiers servis. J'ai vu sortir des chariots avec 90 paquets de pâte... Épuisés, nous avons filtré : on faisait rentrer 5 par 5 ; devant mon magasin, il y avait une queue de 20 mètres. Les personnes âgées me disaient qu'elles revivaient la guerre, avec les rationnements de pain. On avait beau leur dire qu'on était livré tous les jours, ça ne changeait rien. Puis, au bout de 4 jours, plus personne dans les rues ni dans les commerces. Mais nous étions tous sur place, tous les jours du matin au soir. On faisait partie des commerces de première nécessité. Ce qui nous a fait mal, comme à tous les salariés de la grande distribution, c'est que tous les soirs, on entendait les applaudissements pour les hôpitaux et que nous qui étions tous les jours dehors, au milieu des personnes peut-être malades, on était les oubliés... Et puis, le Covid nous est aussi tombé dessus : mon directeur, des collègues dont certains sont morts et moi-même...".

"Le jour des 11 ans de ma fille..."

Lili Carmignani : "Le 16 mars 2020, jour de l'anniversaire de ma fille... 11ans... Un anniversaire qui fut célébré en appel visio avec quelques personnes de la famille, le samedi d'après au lieu de la petite fête avec sa mamie. Ce même jour, ma maman est sortie de l'hôpital car ayant une maladie cardiaque rare et quelques cas dans le service de réa cardio, les médecins ont jugé plus prudent qu'elle rentre chez elle. Nous avons suivi le confinement à la lettre. Par chance, les enfants pouvaient jouer dans le jardin et j'envoyais les péripéties quotidiennes à leur mamie. Les journées étaient rythmées par les appels et les vidéos à la famille. Malheureusement, le 1er mai, ma maman est décédée chez elle, apparemment du Covid alors qu'elle ne sortait pas. Ce confinement nous a enlevé des moments précieux. Depuis, nous vivons dans la peur de cette maladie...".


Aux premiers jours du confinement, les rayons de produits alimentaires vides d'un supermarché du 10e arrondissement de Marseille / Photo Frédéric Speich

Aux premiers jours du confinement, les rayons de produits alimentaires vides d'un supermarché du 10e arrondissement de Marseille / Photo Frédéric Speich

Aux premiers jours du confinement, les rayons vides d'un supermarché de Marseille / Photo Frédéric Speich

"La venue au monde de notre petit prince"

Suleyman Babaoglu : "En ce jour du 17 mars 2020, au tout début du confinement soit à 13h24, notre petit prince Ömer est venu au monde. C'était magnifique. Ensuite, il y a eu le télétravail à 50 % pendant trois mois et cela nous a permis de bien profiter des premiers mois de notre petit".

"Confiné, ça veut dire coincé de chez coincé !"

José Perez, 54 ans, Carnoux-en-Provence : "Qui aurait pu imaginer quelques mois avant le 16 mars - en dehors d'un scénariste de films de science-fiction - qu'un nouveau virus allait ainsi toucher tant de personnes, et mettre le monde en pause ? Chaque jour apportait son lot de nouveautés, souvent négatives. Le confinement semblait bien parti pour durer plusieurs semaines. Mois. Années... Déplacements limités au strict nécessaire : faire ses courses, aller travailler, aller chez le médecin, faire un peu de sport. Il fallait toujours être muni d'une attestation, les contrevenants s'exposaient au début à une amende de 38 euros, très rapidement augmentée à 135 euros. Heureusement, à Carnoux-en-Provence et à La Ciotat où je me rendais parfois, les règles de confinement étaient plutôt bien respectées. Assez vite, les rayons commencent à se vider doucement, nous sommes contents d'avoir un peu de stock à la maison. Certains aliments, comme les oeufs, ont complètement disparu des rayons. Cela fut donc l'occasion de tester les gâteaux vegan... Le plus triste, c'est que les criques et les plages étaient interdites d'accès, tout comme les espaces de pique-nique. Confiné, ça veut dire coincé de chez coincé !".

La plage du Bestouan à Cassis, déserte malgré le soleil / Photo Gilles Bader

La plage du Bestouan à Cassis, déserte malgré le soleil / Photo Gilles Bader

La plage du Bestouan à Cassis, déserte malgré le soleil / Photo Gilles Bader

"L'école a la maison..."

Karine (35 ans), Auriol : "Faire l'école à la maison, un grand stress... Le deuxième jour du confinement, on s'est aperçu au dernier moment que notre grande fille avait un devoir de SVT à rendre. Il était sur une plateforme en ligne dont on n'avait pas les codes. En temps normal, cette plateforme ne sert pas du tout à ça. Donc ça a été un peu la panique... Notre deuxième fille, Jeanne, elle, s'est occupée avec des exercices que nous lui avons trouvés sur Internet. Mais c'est plus difficile, l'école à la maison, pour une petite fille de 5 ans... Heureusement, on a vite imaginé des loisirs, il a fallu se creuser la tête pour trouver des subterfuges...".

"Un retour à la fin des années 50..."

Denis Bunelier, La Ciotat : "Mars 2020, un retour à la fin des années 50 une époque où la France, faute de téléviseur, n'était pas scotchée devant les chaînes d'infos permanentes et qui écoutait à la radio les annonces faites par le Général De Gaulle. Selon la gravité de ses annonces, mon père invitait ma mère à acheter un peu plus de farine et de sucre chez l'épicier. Les familles n'avaient pas les moyens de faire des provisions, payées à la semaine, elles faisaient les commissions au jour le jour. On ne se battait pas pour stocker le papier toilettes, les quotidiens faisaient office de... Côté politique, aucune similitude, en période électorale les Français se mobilisaient et votaient en masse. Mon père était un militant engagé, les seuls abstentionnistes redoutés étaient "quelques pêcheurs à la ligne" si la météo était clémente. Soixante ans plus tard, j'ai retrouvé des rues sans voiture, un ciel bleu immaculé sans trace d'avions, un silence imposant et bien plus important de la solidarité. Les petits services entre voisins, des dépannages solidaires, la confection de masques, de l'écoute, comme un arrêt sur image simplement ponctué chaque soir par un concert de casseroles pour soutenir les soignants. Une période où mon vocabulaire s'est enrichi de termes "covidiens" devenus aujourd'hui monnaie courante comme cluster, cas contact, asymptomatique, click and collect sans oublier l'hydroxychloroquine. J'allais oublier, le journal La Provence s'est adapté en mutualisant ses éditions locales pour continuer à informer ses lecteurs !".

Une étudiante marseillaise dans la galère des cours à distance / Photo Valérie Vrel

Une étudiante marseillaise dans la galère des cours à distance / Photo Valérie Vrel

Une étudiante marseillaise dans la galère des cours à distance / Photo Valérie Vrel

"Enfermés avec un monstre, l'enfer..."

Katia : "J'ai vécu très mal l'annonce du confinement. Je vous dis pourquoi... J'avais déjà beaucoup de problèmes avec mon mari. Violence conjugale... Rester avec lui 24 heures sur 24, c'était l'enfer pour moi et mes enfants. On a beaucoup souffert pendant le confinement, il frappait les enfants, il s'énervait tout le temps. Les enfants ne pouvaient pas faire de bruit, sinon c'était le motif pour qu'il les frappe. Il buvait beaucoup. Je restais dans ma chambre pour éviter les problèmes, mais il venait, il me harcelait toute la journée. On ne pouvait pas regarder la télé, on ne pouvait rien faire. Les premiers jours du confinement étaient horribles, je pensais que j'allais devenir folle, je pleurais toute seule dans ma chambre, je n'arrivais plus à dormir. Jusqu'à ce qu'une éducatrice qui suivait ma fille m'appelle... Je n'arrivais pas à parler tellement je pleurais, je lui dis que je ne pouvais plus supporter le comportement de Monsieur, je lui demande de l'aide... Et pour la première fois après 24 ans de souffrance, quelqu'un m'a aidée à sortir de ce cauchemar. Je lui ai fait confiance et un jour, elle me rappelle et me dit qu'elle va m'emmener moi et mes enfants dans un hôtel à Cannes. C'est la première fois que je me sentais tellement bien et les enfants aussi. On nous a conduits loin de ce monstre. Aujourd'hui, ça fait un an que je suis séparée de lui, j'habite toute seule avec mes enfants mineurs et ils sont très heureux. Je peux vous dire que le virus a sauvé ma vie et la leur. Je remercie l'éducatrice, Mme Butler, la psychologue, Mme Subrero, et la chef de service ALC, pour nous avoir aidés à nous libérer...".

"Municipales, les électeurs disparus"

Laurent Colombani, Aubagne : "Tout va très vite, cela fait une à deux semaines que ce virus prend le pas sur la campagne, les meetings s'annulent, les jauges apparaissent. Chose paradoxale, alors qu'en campagne électorale tu t'engages pour les autres, c'est aussi un temps où tu es fermé à l'actualité qui n'est pas locale. Il est bien arrivé à mes oreilles que cela commence à faire beaucoup de dégâts mais dimanche, il y a un premier tour d'élection municipale. Jeudi 12 mars, plutôt que d'annuler notre dernier meeting, nous décidons de faire une réunion avec un discours en extérieur : Sylvia Barthélémy prend la parole, la motivation est là, du monde s'est déplacé, l'ambiance est bonne. Oui mais voilà, nous ne le savons pas encore mais le jeudi va devenir un jour important dans la communication Covid. Le Président prend la parole et alors que nous sommes tous suspendu à ses lèvres, l'annonce est faite le premier tour aura lieu... Ne nous mentons pas, nous sommes ravis du maintien de ce premier tour. Nous avons l'envie d'en découdre. Personne ne sait encore que le samedi soir, il sera annoncé la fermeture des restaurants. Le dimanche 15 mars, ouverture des bureaux de votes. Pour ces élections généralement tant appréciées des citoyens, le taux de participation ne monte pas : les gens ont peur d'être contaminés, malgré la mise en place des premières barrières sanitaires. À 18 heures, fermeture des bureaux de vote. Nous sommes quelques-uns à la permanence à attendre les premières tendances. Déjà, le peu de votants nous incite à penser que cela ne nous sera pas favorable. Les chiffres arrivent, les visages se ferment, un sentiment d'injustice, de vol, d'éléments extérieurs qui ont plus que perturbé le scrutin. Pourtant, telle est la démocratie, belle mais violente ! Le lundi 16, bien fatigués, notre score nous permet néanmoins de continuer à espérer... Hélas, le confinement et la prise de conscience de l'envergure du traumatisme nous feront plus tard nous retirer de la course. Le mardi 17 mars, c'est l'anniversaire de mon père. C'est aussi notre dernière demi-journée du "monde d'avant". Nous sommes, quelques-uns à la permanence, pour se voir, se parler, toujours groggy. Notre candidate fera une dernière vidéo d'espérance, chacun rentre chez soi. C'est le début d'un deuil sans corps, d'une ambition, un projet commun qui commence à disparaître".

Premier tour des élections municipales, le 15 mars 2020 à Marseille / Photo Gilles Bader

Premier tour des élections municipales, le 15 mars 2020 à Marseille / Photo Gilles Bader

Premier tour des élections municipales, le 15 mars 2020 à Marseille / Photo Gilles Bader

"Gagné par le virus de l'écriture"

Philippe Siepen, Cassis : "Se retrouver confiné, c'est frustrant, mais si finalement, cela avait été une chance dans ma vie ? Une chance provoquée par cette contrainte pour exprimer et partager par écrit mes émotions, mes souvenirs et mes délires... La décision est prise : autant rendre ces jours de confinement positifs. À la base, de simples chroniques illustrées déposées sur le mur d'un réseau social. Des posts par lesquels j'essaye de donne le change si possible avec humour et toujours autodérision, en offrant un moment de lecture à mes amis confinés, la plupart cassidens, chaque jour plus nombreux à me lire. Ce qui m'entraîne à une quotidienne, partageant chaque jour des aventures vécues ou imaginaires, des histoires de mon village, des fantasmes, des coups de gueule ou parfois ma primaire philosophie de la vie, selon l'humeur grinçante du jour... dans un non-conformisme revendiqué sans aucune prétention d'oeuvre littéraire. Les jours s'écoulent, se suivent et à chaque chronique, ils sont de plus en plus nombreux à me lire. À Cassis, c'est un sujet dont on parle... Lors de mon heure de sortie autorisée, attestation de déplacement dérogatoire en poche, sur le port ou à la supérette, on m'aborde pour m'encourager ou pour me dire 'Je vous lis tous les jours' ou 'Chaque matin, avec mon premier café, je me régale à découvrir votre chronique'. Ou encore, 'Merci pour votre humour, vous me redonnez le sourire'... Bientôt, ils participeront en laissant un commentaire, le partage a fonctionné et un vrai lien social va se créer. Après quelques semaines, on me suggère de plus en plus souvent de publier mes chroniques. Pourquoi pas ? Le livre '55 Confineries' sort fin octobre. Une seule et unique séance de dédicace à Cassis, en novembre... Pas de chance, juste le jour du deuxième confinement. La librairie et les bars sont fermés... 250 livres vendus tout de même, sur une petite table à même la rue Séverin Icard, devant une boutique de vente de café à emporter... Je suis aux anges, heureux qu'ils aient répondu 'présent'. Le confinement a été pour moi une opportunité et une belle aventure. Pas peu fier d'avoir édité mon premier livre. Aujourd'hui, je continue à écrire...".

"Le confinement a été un soulagement..."

M. Garcia : "Je travaille de nuit en réanimation. En 2020, le confinement a été un soulagement pour nous qui étions au front, il a ralenti l'épidémie. Nous manquions de masque, blouses et de gants pour nous protéger. On nous donnait trois masques par nuit de 12 heures alors que sur les boîtes était noté un masque pour 3 heures. Nous avons été rudement mis à l'épreuve et nous avions beaucoup d'espoir que nos patients s'en sortent bien malgré tout. Néanmoins, à l'hôpital, la crise a relativement été bien gérée même si nous avons eu des décès et des familles décimées".

Sudorama / Institut National de l'Audiovisuel. Durée : 02:02

Sudorama / Institut National de l'Audiovisuel. Durée : 02:02

Sudorama / Institut National de l'Audiovisuel. Durée : 02:02