Quelles évolutions et quelles nouvelles contraintes les professionnels ont-ils rencontré depuis la crise sanitaire ?

Colette Weizman : Ma mandature a débuté juste après la découverte de l'épidémie de Covid-19, en 2020. J'ai passé deux années à analyser comment les entreprises ont géré la crise et, ce que je peux affirmer est que le "Quoi qu'il en coûte" en a sauvé beaucoup. Certaines entreprises qui partent aujourd'hui en liquidation, auraient pu le faire bien avant, mais les aides leur ont permis de tenir. Il faut malgré tout rester positif et garder à l'esprit que l'entrepreneuriat bat son plein en France et que, si certains mettent la clé sous la porte, nous observons tout autant de créations d'entreprises ce qui équilibre la balance. Ce qui a été plus choquant a été la liquation judiciaire de grandes enseignes, telle que Kaporal ou Esprit, ou bien la mise en redressement judiciaire de Hopps Group. Nous remarquons, quatre ans après la crise sanitaire, que nos clients sont plus inquiets pour leurs ressources humaines que pour la partie exploitation. Le travail est là, mais pas la main-d'oeuvre. Les problèmes de recrutement sont constants et persistants.

Nicolas Férand : Concernant notre corps de métier, la crise sanitaire a été un révélateur. Les équipes ont dû s'adapter au télétravail en un temps record, aux changements managériaux que cela implique. Cela a tout accéléré dans nos pratiques mais aussi dans notre appréhension de la gestion des ressources humaines. Beaucoup ont changé d'emploi, des jeunes sont arrivés sur le marché avec de nouvelles attentes et de nouveaux modes de travail. En plus de cela, nous assistons à une révolution du numérique, c'est un point central que nous devons absorber et auquel nous devons au mieux nous accompagner notre profession. Avec cette transition, nos missions vont prendre une nouvelle orientation, celle d'assistance à la gestion pour les entreprises approfondie. C'est le rôle des experts-comptables d'être proactifs sur la question afin d'aiguiller au mieux ceux qu'ils accompagnent. C'est pourquoi ce congrès annuel s'est une fois de plus porté sur les sujets de l'intelligence artificielle, la data, la cybersécurité, la facture électronique ou encore la RSE mais aussi la stratégie des cabinets. Temporairement, nous allons devoir être des conseillers en facturation électronique pour assurer le bon développement de nos clients. Ce pourquoi nous devons tous être formés. Pour ce qui est de la mixité dans notre profession, c'est un sujet sur lequel nous sommes très attentifs. Je peux d'ailleurs me targuer de dire que Provence-Alpes-Côte d'Azur est la seule région de France à avoir plus d'un tiers de femmes inscrites au tableau de l'Ordre. Et ce chiffre est chaque année en évolution.

Colette Weizman : Le plus important est d'arrêter d'envoyer des messages anxiogènes, nous sommes là pour les entreprises, nous allons les accompagner notamment sur la digitalisation, la facture électronique car les normes d'il y a 20 ans ne sont plus les mêmes aujourd'hui, il va falloir les aider à prendre le virage du numérique, et nous serons à leurs côtés.

Du 9 au 11 octobre a eu lieu le Congrès annuel de l'Ordre, au Parc Chanot. Quelles opportunités apporte ce type d'événement aux experts-comptables ?

Nicolas Férand : Par la densité des partenaires présents sur l’exposition, cela leur permet, d'une part, d'assurer une veille technologique avec les outils adaptés. Ils ont une démonstration de leur fonctionnement et perçoivent en direct leur pertinence dans l'exercice professionnel. Chacun est libre de choisir ce qui lui convient le mieux, tout dépend de la méthode de travail appliquée. La thématique cette année portait sur la stratégie du cabinet pour s'adapter au futur de la profession. Le Congrès est toujours l'occasion d'échanger, dans la convivialité, et de repartir au bureau avec des pistes plein la tête.

Colette Weizman : Cet événement vise aussi de mettre en lumière la profession. Marseille a accueilli 8 000 personnes pour l'événement. Cela fait forcément parler, d'autant que nous nous efforçons à beaucoup communiquer dessus. L'expert-comptable est au coeur de l'économie et de la vie de l'entreprise. Le Covid-19 a mis un coup de projecteur sur notre profession et les chefs d'entreprises ont réalisé que nous n'étions pas là que pour faire des bilans, mais bien pour les accompagner et être un véritable appui dans n'importe quelle circonstance. Et le Congrès, à chaque édition, ne peut que faire briller un peu plus la profession.

Que représente pour vous le fait que ce Congrès s'est déroulé à Marseille cette année ?

Nicolas Férand : Ça fait toujours chaud au coeur de l'accueillir ici, en sachant que cela faisait 13 ans que ça ne s'était pas passé. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur est la troisième région de France, c'était presque une anomalie de devoir attendre autant. D'où notre fierté, en voyant que les experts-comptables de la France entière se sont mobilisés en masse, avec plus de 1 500 professionnels de la région, qui ont représenté 20 % des inscrits. Il s'agit d'autre part d'une belle promotion pour la ville.

Colette Weizman : Un événement comme celui-ci est aussi le moyen de toucher un public qui ne nous connait pas, ou peu. L'an dernier, à Montpellier, c'était aussi une ambiance de feu. Je me souviens avoir rencontré des étudiants qui nous ont dit : "On ne savait pas que les experts-comptables pouvaient autant s'amuser." Effectivement, nous n'avons pas une vie de moine, et c'est bien que les jeunes puissent s'en rendre compte sur des formats de ce type qui associent le sérieux à la légèreté. Cela donne une autre image de la profession.

Nicolas Férand : C'est intéressant ce que note Colette. Les jeunes prennent conscience que nous restons accessibles malgré l'étiquette que notre métier nous colle. Ils voient sur place que nous nous entraidons, que nous mettons "les mains dans le cambouis", comme on dit, le tout dans la convivialité et la bienveillance. Cela m'arrive régulièrement d'échanger sur LinkedIn ou WhatsApp, et même sur Instagram pour répondre aux questions que se posent les futurs inscrits à l'Ordre. Nous sommes à leur écoute, mais aussi à celle de nos confrères qui sont en fin de carrière. C'est ce que nous nous sommes efforcés de faire avec Colette tout au long de nos mandatures respectives.