François Fillon en Russie, le cocktail politico-business d'un V.R.P. de luxe

Le 21 mars 2013, Vladimir Poutine reçoit l'ancien Premier ministre François Fillon dans sa pompeuse datcha de Novo-Ogaryovo, à 10 kilomètres de Moscou / AFP

Le 21 mars 2013, Vladimir Poutine reçoit l'ancien Premier ministre François Fillon dans sa pompeuse datcha de Novo-Ogaryovo, à 10 kilomètres de Moscou / AFP

Le 21 mars 2013, Vladimir Poutine reçoit l'ancien Premier ministre François Fillon dans sa pompeuse datcha de Novo-Ogaryovo, à 10 kilomètres de Moscou / AFP

Révélations sur un déplacement somptuaire effectué en mars 2013 à Moscou et à Volgograd par François Fillon et Marc Ladreit de Lacharrière. Recruté comme conseiller par le patron de Fimalac, l’ancien Premier ministre avait bénéficié de moyens privés... utilisés pour ses activités politiques.

Le 20 mars 2013, François Fillon décolle du Bourget à bord d'un jet privé loué par son ami Marc Ladreit de Lacharrière / DR

Le 20 mars 2013, François Fillon décolle du Bourget à bord d'un jet privé loué par son ami Marc Ladreit de Lacharrière / DR

Le 20 mars 2013, François Fillon décolle du Bourget à bord d'un jet privé loué par son ami Marc Ladreit de Lacharrière / DR

Jusqu’où François Fillon a-t-il mélangé politique et intérêts privés ? Quels sont ses véritables liens avec la Russie ? Qu’est-ce qui se cache derrière son rapport à l’argent ? Autant de questions que se posent les Français avec les révélations du « Canard enchaîné », fin janvier 2017, à propos des emplois successifs de l’épouse de l’ancien Premier ministre (LR) et de ses relations avec son ami Marc Ladreit de Lacharrière, patron de la société holding Fimalac et 32e fortune de France. Des interrogations auxquelles LaProvence.com est aujourd’hui en mesure d’apporter un nouvel éclairage, au terme d’une enquête sur un mystérieux voyage effectué par François Fillon en mars 2013 à Moscou et dans la région de Volgograd, ville d’un million d’habitants autrefois appelée Stalingrad.

Ce déplacement avait à l’époque été présenté comme relevant des activités politiques et diplomatiques de l’actuel candidat à la présidentielle, alors simple député. Avant son départ, son entourage avait ainsi indiqué à l’AFP qu’il partait pour quatre jours avec un agenda chargé. Il devait d’abord dîner le mercredi 20 mars 2013 avec le président de la Douma Sergueï Evguenievitch Narychkine, puis participer le lendemain à une conférence internationale, intitulée « Russie-Union européenne, potentiel pour un partenariat », en présence du Premier ministre russe Dmitri Medvedev et du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Le même jour était prévu un dîner avec le président Vladimir Poutine, au cours duquel les deux hommes qui entretiennent depuis longtemps « une relation franche et directe » comptaient évoquer les relations franco-russes. Également prévue, la participation le 22 mars 2013 de François Fillon aux cérémonies de célébration du « 70e anniversaire de la bataille de Stalingrad ». Un programme officiel qui passait toutefois sous silence des rendez-vous d’une toute autre nature, à savoir relevant d’une véritable action de lobbying en faveur des activités financières de Marc Ladreit de Lacharrière. Lequel semble-t-il était déjà parmi les discrets clients de la société créée par l’ancien Premier ministre, peu de temps après avoir quitté Matignon en 2012 : 2F Conseil, spécialisée dans le « conseil pour les affaires et autres conseils de gestion » (une activité étonnante pour un homme n'ayant jamais travaillé en dehors de la politique, son premier poste étant en 1976 un contrat d'assistant parlementaire auprès de Joël Le Theule, député gaulliste de la Sarthe).

A partir du 25 janvier 2017, « Le Canard enchaîné » multiplie les révélations sur le couple Fillon / La Provence

A partir du 25 janvier 2017, « Le Canard enchaîné » multiplie les révélations sur le couple Fillon / La Provence

A partir du 25 janvier 2017, « Le Canard enchaîné » multiplie les révélations sur le couple Fillon / La Provence

Programme de la conférence organisée par le Russian International Affairs Council, le 21 avril 2013 à Moscou / RIAC

Programme de la conférence organisée par le Russian International Affairs Council, le 21 avril 2013 à Moscou / RIAC

Programme de la conférence organisée par le Russian International Affairs Council, le 21 avril 2013 à Moscou / RIAC

Tout démarre le 20 mars 2013, quand François Fillon décolle en début d’après-midi de l’aéroport du Bourget. Destination Vnukovo, un des aéroports de Moscou, réputé pour ses équipements VIP (Vladimir Poutine est ainsi un de ses utilisateurs les plus réguliers). À la même heure, se tient à l’Assemblée nationale un débat sur une motion de censure déposée par l’UMP contre la politique du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Si le député de Paris sèche la séance, il a toutefois fait savoir qu’il avait signé le texte et remis une délégation de vote en son nom. Normalement, il aurait dû utiliser un billet d’avion fourni par l’organisateur de la conférence moscovite, Russian International Affairs Council (RIAC), un think tank créé par plusieurs ministères russes et par un « club » rassemblant un millier de chefs d’entreprise locaux. En effet, comme le confirment plusieurs autres participants dont l’eurodéputée Rachida Dati par la voix de ses collaborateurs bruxellois, « le déplacement et l’hébergement » sont pris en charge. Questionnée par nos soins concernant l’invité de marque José Manuel Barroso, une porte-parole de la Commission européenne souligne de son côté que « le voyage s’est déroulé conformément aux règles pertinentes de la Commission ».

Pourtant, François Fillon a choisi de se déplacer par ses propres moyens. Ou plutôt, par ceux de... son ami Marc Ladreit de Lacharrière, à savoir comme l’a révélé « Le Canard enchaîné » un somptueux Falcon 50. Contrairement à ce que l’hebdomadaire a indiqué dans son édition du 25 janvier, ce jet privé n’appartient toutefois pas à Marc Ladreit de Lacharrière mais… a été loué par Fimalac. Qui plus est, il ne part pas pour un simple aller-retour comme l’assurait « Le Canard » mais va rester en Russie durant trois jours, avec un vol intérieur entre la capitale et Volgograd, sur une distance d’environ mille kilomètres. À l’époque propriété d’une filiale aérienne de General Electric et opéré par la société Aerovision spécialisée dans la location, l’appareil immatriculé F-HADH est l’un des tout premiers Falcon 50 construits par Dassault, en 1979. Capacité de neuf passagers, équipage de trois personnes dont une hôtesse, ce tri-réacteur capable de voler à 830 km/h avec un rayon d’action de 5 500 kilomètres revendique des prestations de haut-standing. C’est ce qui explique que le patron de Fimalac ait un faible pour lui, au point que dans le milieu aérien, on le surnomme « l’avion de Ladreit » bien qu’il ne lui ait jamais appartenu. En ce qui concerne le voyage de mars 2013, Aerovision qui se trouve au Bourget refuse aujourd’hui de donner le montant facturé, évoquant des « données confidentielles ». Contactée par nos soins pour un devis similaire, une société concurrente réclame toutefois « au moins 50 000 euros, non compris le vol intérieur en Russie ». Un montant qui, selon une source proche du dossier, ne serait « pas très éloigné de la vérité » de la « location Fimalac ».

Selon nos informations, Marc Ladreit de Lacharrière est également du vol, ainsi que deux ou trois personnes de ses sociétés. En réponse, le service de presse de Fimalac est pourtant dans un premier temps péremptoire : « Marc Ladreit de Lacharrière ne s’est pas rendu en Russie en 2013 ». Une position difficile à tenir, puisque dans l’édition du « Monde » datée du 10 février 2017, M. Fillon lui-même a assuré que « Marc Ladreit de Lacharrière était présent » à la première des trois conférences qu’il a données en Russie, « toutes publiques et non rémunérées » (les deux autres ont eu lieu en septembre 2013 à Sotchi et en juin 2015 à Saint-Pétersbourg). Qui plus est, le programme de la conférence mentionne son nom parmi les intervenants de la table-ronde de l’après-midi, intitulée « Economic parameters of the Russia-EU partnership » (1). Face à l’évidence, le service de presse de Fimalac fait alors marche arrière et évoque « un petit quiproquo », avant que l’assistante de l’homme d’affaires (« Il est actuellement injoignable car il est en déplacement ») ne renvoie vers son avocat.

(1) Contrairement à François Fillon, il n’est en revanche pas mentionné dans le compte-rendu final.

Patron de Fimalac, Marc Ladreit de Lacharrière en 2017 / IP3 Press - MaxPPP

Patron de Fimalac, Marc Ladreit de Lacharrière en 2017 / IP3 Press - MaxPPP

Patron de Fimalac, Marc Ladreit de Lacharrière en 2017 / IP3 Press - MaxPPP

« Au moins 50 000 euros, non compris le vol intérieur en Russie »

La fiche de location du Falcon utilisé par François Fillon / Aérovision

La fiche de location du Falcon utilisé par François Fillon / Aérovision

La fiche de location du Falcon utilisé par François Fillon / Aérovision

Rencontre entre Vladimir Poutine et François Fillon le 21 mars 2013 / Kremlin

Rencontre entre Vladimir Poutine et François Fillon le 21 mars 2013 / Kremlin

Rencontre entre Vladimir Poutine et François Fillon le 21 mars 2013 / Kremlin

Toujours est-il qu’une fois à Moscou, bien qu’accompagné selon la presse russe de gens de chez Fitch Ratings (l’agence de notation financière internationale rachetée par Marc Ladreit de Lacharrière en 1997), l’ancien Premier ministre semble se cantonner à son programme politico-diplomatique. Non sans éclat puisque lors de la conférence RIAC, il prend fait et cause pour la Russie à propos de la crise qui oppose alors la Commission européenne et le Kremlin autour des avoirs d’exilés fiscaux déposés à Chypre, que Bruxelles souhaite taxer en raison de « soupçons d’argent sale » : pour lui, ce serait « une grosse bêtise ». De même, il est reçu dans une ambiance « à la fois studieuse et décontractée » par Vladimir Poutine dans sa pompeuse datcha de Novo-Ogaryovo, à 10 kilomètres de Moscou. Studieuse parce que selon François Fillon, les deux hommes évoquent ensemble « les sujets brûlants de l’actualité sur lesquels la Russie a un rôle essentiel à jouer, et en particulier le dossier syrien ». Décontractée car à la fin du dîner, il se voit convié par son hôte à visiter les « formidables » installations des Jeux olympiques de Sotchi prévus l’année suivante, avec ce défi bien dans les habitudes de l’ex-officier du KGB : « Je te prends quand tu veux sur les pistes ».

Le business n’est toutefois jamais loin. Ainsi, en marge de son intervention à la conférence qui se tient dans un des temples du monde des affaires, le prestigieux et très clinquant Lotte Hotel Moscow, François Fillon en profite pour rencontrer des chefs d’entreprise comme Anatoli Borissovitch Tchoubaïs (le dirigeant de Rusnano, un fonds d’investissement étatique russe) ou Vaguit Ioussoufovitch Alekperov, le big boss de la compagnie pétrolière Loukoil qui a en fait financé ce rendez-vous international. Interviewé par la presse russe, il ne cache pas avoir parlé économie avec Poutine. Mais le meilleur reste à venir, le lendemain à Volgograd.

François Fillon et le Finlandais Paavo Lipponen durant la conférence du RIAC au Lotte Hotel Moscow / RIAC

François Fillon et le Finlandais Paavo Lipponen durant la conférence du RIAC au Lotte Hotel Moscow / RIAC

François Fillon et le Finlandais Paavo Lipponen durant la conférence du RIAC au Lotte Hotel Moscow / RIAC

En avril 1989 à Volgograd, François Fillon et Jean-Pierre Chevènement au pied de la gigantesque statue de la Mère-Patrie / Collection particulière MRC

En avril 1989 à Volgograd, François Fillon et Jean-Pierre Chevènement au pied de la gigantesque statue de la Mère-Patrie / Collection particulière MRC

En avril 1989 à Volgograd, François Fillon et Jean-Pierre Chevènement au pied de la gigantesque statue de la Mère-Patrie / Collection particulière MRC

Après avoir donné une conférence de presse avant de quitter Moscou, il repart de Vnukovo avec Marc Ladreit de Lacharrière pour la porte du Caucase, sur la rive droite de la Volga. Pour participer aux cérémonies de célébration du « 70e anniversaire de la bataille de Stalingrad », comme annoncé avant son départ de Paris ? Problème, celles-ci se sont tenues… plus d’un mois plus tôt, les forces de l’Axe commandées par le général Paulus ayant capitulé le 2 février 1943. En guise de cérémonie officielle, la petite troupe se contente donc de visiter le mémorial Kourgane Mamaïev et comme le raconte un participant, après avoir déposé une gerbe, François Fillon prononce quelques mots et « laisse une note dans le livre d’or du site ». Une « note » qui n’est pas la première. Il n’aura de cesse de le répéter à ses interlocuteurs tout au long du séjour, il est déjà venu une première fois à Volgograd en avril 1989. Quelques mois avant la chute du Mur, alors député RPR de la Sarthe, il accompagnait, en tant que membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, le ministre de la Défense d’alors : Jean-Pierre Chevènement (PS), avec lequel il posait déjà au pied de la gigantesque statue de la Mère-Patrie. Depuis, confie-t-il à la presse russe : « J’ai toujours eu envie d’y retourner, et voilà que l’occasion s’est présentée ».

Après la halte obligée au musée, l’ancien Premier ministre et Marc Ladreit de Lacharrière sont conduits dans le bureau tout puissant gouverneur de la région, Sergeï Bojenov. Non pour parler d’Histoire mais bien de business. Ancien maire d’Astrakhan, ville où il a été accusé de fraude électorale massive en 2009, le gouverneur est devenu mondialement célèbre quelques mois plus tôt, après être parti en Toscane en jet privé avec 46 députés et membres de leurs familles pour fêter son anniversaire. Mais quand il reçoit les Français, il a bien d’autres soucis en tête. Convoqué à Moscou trois jours plus tôt par le Premier ministre, Dmitri Medvedev, Bojenov doit piloter des investissements massifs pour développer sa région. Car Volgograd accueillera des matches de la Coupe du monde de football en 2018 : cinq années et plusieurs milliards de roubles ne seront pas de trop pour mettre au niveau la ville. L’hebdomadaire « Kommersant » la présente en effet comme « la plus pauvre des villes millionnaires russes » : « La base de l’économie est constituée à presque 70% par de grosses entreprises datant de l’époque soviétique, irrémédiablement désuètes aujourd’hui. Krasnyi Oktyabr (qui fut un temps la plus grosse usine métallurgique du Sud russe), l’Usine de tracteurs, la fabrique Khimprom, etc., elles se trouvent toutes à divers stades de la faillite ».

Le 22 mars 2013 à Volgograd, Fillon et Ladreit de Lacharrière participent à une réunion avec le gouverneur Sergeï Bojenov pour préparer la Coupe du monde 2018 de football / Rossiya

Le 22 mars 2013 à Volgograd, Fillon et Ladreit de Lacharrière participent à une réunion avec le gouverneur Sergeï Bojenov pour préparer la Coupe du monde 2018 de football / Rossiya

Le 22 mars 2013 à Volgograd, Fillon et Ladreit de Lacharrière participent à une réunion avec le gouverneur Sergeï Bojenov pour préparer la Coupe du monde 2018 de football / Rossiya

Construit en 1962, le stade du FK Rotor Volgograd devait être reconstruit pour la Coupe du monde 2018 / Volganet.ru

Construit en 1962, le stade du FK Rotor Volgograd devait être reconstruit pour la Coupe du monde 2018 / Volganet.ru

Construit en 1962, le stade du FK Rotor Volgograd devait être reconstruit pour la Coupe du monde 2018 / Volganet.ru

Un stade est à reconstruire ? Des routes et des voies ferrées sont à refaire ainsi que l’aéroport ? Un centre de traitement des déchets est indispensable, afin de remédier au bon millier de décharges sauvages recensées dans la région ? Dès le début de la discussion, François Fillon saute sur l’occasion : voilà qui tombe bien, la France a « un savoir-faire particulier » dans tous ces secteurs, met-il en avant. Il doit faire preuve de tous ses talents de persuasion, car le tandem 2F Conseil / Fimalac a été devancé à Volgograd : une semaine plus tôt, une autre délégation, composée assez étrangement d’un émissaire du Medef et du PDG d’une société lituanienne spécialisée dans le traitement des déchets (EcoService) a été reçue par Bojenov pour discuter du projet de centre de traitement. Des études techniques ont même été lancées à l’issue de la rencontre. Qu’importe, l’ancien Premier ministre laisse entendre que les investisseurs français qu’il représente seraient particulièrement intéressés par les équipements sportifs à réaliser, dont ce stade qui doit être porté de 32 à 45 000 places, mais aussi par la modernisation de l’aéroport et la ligne de chemin de fer prévue pour le relier au centre-ville. Quant à l’agriculture, « un autre point fort de l’économie française », rappelle Fillon, il doit être possible de coopérer plus efficacement avec la région de Volgograd, en créant des infrastructures de transformation agroalimentaire.

Un peu comme dans un numéro bien rodé de duettistes, le patron de 2F Conseil montre alors Marc Ladreit de Lacharrière, resté discret en bout de table : « Savez-vous qui c’est ? », demande-t-il à à la rangée d’officiels dont le député Roland Kherianov qui lui fait face et ne semble pas en avoir une idée très précise. Présenté comme « le plus riche investisseur français », puis comme le patron de l’agence de notation Fitch, le milliardaire en costume sombre a tôt fait de voler la vedette à son « guide ». Et ce bien que François Fillon se permette une plaisanterie (NDLR : prémonitoire) : « Nous pouvons construire un stade pour participer à la Coupe du monde 2018 et la gagner ! ». Sourires dans le camp russe... La réunion s’anime, le gouverneur Bojenov est ravi. Il est prêt à faire une offre spéciale aux Français pour l’ensemble des chantiers évoqués. « Nous pouvons fournir une liste des projets d’investissement qui devraient se développer, s’enthousiasme-t-il à l’attention de Ladreit de Lacharrière. Il peut exister un pont entre nous et la France ».

Article mis en ligne sur le site internet de la télévision locale de Volgograd / TVR.ru

Article mis en ligne sur le site internet de la télévision locale de Volgograd / TVR.ru

Article mis en ligne sur le site internet de la télévision locale de Volgograd / TVR.ru

En 2014, Sergeï Bojenov a dû abandonner son mandat de gouverneur de Volgograd / Punkt A

En 2014, Sergeï Bojenov a dû abandonner son mandat de gouverneur de Volgograd / Punkt A

En 2014, Sergeï Bojenov a dû abandonner son mandat de gouverneur de Volgograd / Punkt A

Lorsque le groupe se sépare enfin, c’est avec la ferme intention de reparler très rapidement de tous ces dossiers, dont celui d’une liaison aérienne directe entre Volgograd et une « grande ville française ». Pour l’heure, c’est toutefois le Falcon 50 et son équipage qui attendent sur le tarmac du petit aéroport : l’appareil redécolle en fin de journée et met le cap sur le Bourget. François Fillon et Marc Ladreit de Lacharrière l’ignorent mais ils ont fait si forte impression auprès de leurs interlocuteurs que s’est déroulée une scène pour le moins cocasse après leur départ : dans le bureau de Bojenov, où comme ailleurs en Russie, on cultive un goût certain pour la poésie, le député Kherianov se plaît à croire qu’il vient de rencontrer un auteur illustre. Un témoin rapporte que devant un Sergeï Bojenov impressionné, l’élu se serait même mis à déclamer des vers en français de… François Villon. On ignore si aujourd’hui encore, le duo imagine avoir croisé ce jour-là un lointain descendant du plus fameux poète français de la fin du Moyen Âge. En revanche, on sait qu’aucun des projets évoqués lors de cette réunion n’a à ce jour été réalisé par des entreprises françaises. Et il faut toujours un jet privé pour se rendre de Volvograd à Paris sans escale ! L’équipe franco-lituanienne concurrente est également repartie bredouille. « Malheureusement, la visite n’a pas été couronnée de succès », reconnaît Saulius Budrevičius, le président du conseil d’administration d’EcoService, qui a depuis renoncé à tout investissement dans la région.

Bien oubliée depuis 2013, d’autant que le staff de campagne du candidat à la présidentielle a « nettoyé » ses vieux sites internet après sa victoire surprise en 2016 lors de la primaire de la droite, l’escapade russe de François Fillon et Marc Ladreit de Lacharrière est revenue le 25 janvier 2017 dans les radars médiatiques, « Le Canard enchaîné » l’ayant brièvement évoquée dans l’article qui allait provoquer le « Pénélopegate » et l’ouverture d’une instruction judiciaire. Les moyens des sociétés de l’homme d’affaires pouvant avoir été partiellement utilisés pour les activités politiques de François Fillon (le départ de Paris aurait été avancé pour lui permettre de rencontrer le président de la Douma), une source proche de l'enquête souligne donc que tout ce qui a été évoqué par la presse fait l’objet de vérifications. Le Parquet national financier contacté par nos soins se refuse toutefois à donner la moindre information, rappelant que le Code de procédure pénale impose « le secret de l’enquête et de l’instruction » (1). Une discrétion partagée par Emmanuel Brochier, l’avocat de Marc Ladreit de Lacharrière : « Il y a eu trop de presse dans cette affaire, tout s’est enflammé… C’est pourquoi mon client réserve ses réponses aux magistrats et aux enquêteurs, dans le cas où il serait éventuellement convoqué ». Quant à Antonin Lévy du cabinet Hogan Lovells (Paris) LLP, l’avocat de François Fillon, bien que contacté à cinq reprises par téléphone et par mail, il n’a longtemps pas apporté de réponses aux questions qu'il nous a pourtant demandé de lui poser par écrit. Questions qu'il a fait suivre à son client et restées sans suite... jusqu'à ce que LaProvence.com lui annonce que la parution était imminente. D'où un échange par mail, retranscrit ci-dessous.

(1) NDLR : ces éléments n'ont finalement pas été retenus contre François Fillon et Marc Ladreit de Lacharrière.

François Fillon et son épouse Pénélope lors d'un meeting le 29 janvier 2017, quelques jours après les révélations du « Canard enchaîné » / Photo Vincent Isore -IP3 - MaxPPP

François Fillon et son épouse Pénélope lors d'un meeting le 29 janvier 2017, quelques jours après les révélations du « Canard enchaîné » / Photo Vincent Isore -IP3 - MaxPPP

François Fillon et son épouse Pénélope lors d'un meeting le 29 janvier 2017, quelques jours après les révélations du « Canard enchaîné » / Photo Vincent Isore -IP3 - MaxPPP

Antonin Lévy (à droite) en 2013 à Aix-en-Provence / Photo Sophie Spitéri

Antonin Lévy (à droite) en 2013 à Aix-en-Provence / Photo Sophie Spitéri

Antonin Lévy (à droite) en 2013 à Aix-en-Provence / Photo Sophie Spitéri

Les explications de l'avocat de François Fillon

Le 14 avr. 2017 à 15:10, Frederic Guilledoux <FGuilledoux@laprovence-presse.fr> a écrit :

Bonjour M. Lévy,

Je reviens vers vous au sujet du voyage de M. Fillon en mars 2013 en Russie avec M. Ladreit de Lacharrière. Avez-vous pu obtenir quelques éléments auprès de votre client ?

Notre enquête sera publiée sur ce week-end de Pâques. S'il ne souhaite pas répondre ou ne le juge pas nécessaire, pas de problème. Faute de réponses, nous mentionnerons simplement et naturellement qu'il a pas donné suite aux questions qui lui sont parvenues via son avocat.

Dans tous les cas, merci pour votre aide. Dans l'attente de votre mail ou de votre appel,

Cordialement,

F.G.

De : Levy, Antonin <antonin.levy@hoganlovells.com>Envoyé : samedi 15 avril 2017 07:48À : Frederic GuilledouxObjet : Re: TR: QUESTIONS JOURNAL LA PROVENCE / VOYAGE M. FILLON RUSSIE MARS 2013

 Bonsoir,

Voici nos réponses :

- Pourquoi le Falcon 50 F-HADH loué en fait pour trois jours par une société de M. Ladreit de Lacharrière a-t-il été mis à disposition de M. Fillon pour un déplacement présenté à l'époque comme « politique et diplomatique » par l'entourage du député de Paris et ancien Premier ministre ?

Je ne peux confirmer vos affirmations sur les conditions de location de cet avion. Tout ce que sait Monsieur Fillon est que Monsieur de Lacharrière était présent dans l'avion avec lui à l'aller comme au retour. L'avion n'a donc pas en outre été « mis à sa disposition ». Nous ne pouvons non plus confirmer votre affirmation selon laquelle [cette information] « pose plusieurs questions, d'autant qu'elle a conduit à des vérifications dans le cadre de l'instruction judiciaire en cours ou de la préliminaire diligentée par le PNF ».

- M. Ladreit et des gens de ses sociétés ont-ils participé à ce déplacement au départ de Paris ?

Cf. ci-dessus.

- M. Fillon a-t-il rencontré comme prévu le 20 mars le président de la Douma ?

Oui.

- M. Fillon a-t-il abordé des questions relevant de ses activités de conseil dans ses rendez-vous politiques ?

Non.

- M. Fillon a-t-il bien rencontré en marge de la conférence internationale du Russian International Affairs Council au Lotte Hotel Moscow des chefs d'entreprise dont Anatoli Borissovitch Tchoubaïs (Rusnano) et Vaguit Ioussoufovitch Alekperov (Lukoil) ?

Non pas « en marge ». Ils étaient présents au colloque comme intervenants, mais ils ne les a pas rencontrés en tête à tête.

- M. Fillon a-t-il participé à des rendez-vous économiques avec M. Ladreit et des équipes de « Fitch Ratings » ?

Non.

- Quelle était en fait le véritable statut de M. Fillon, en particulier à Volgograd avec M. Bojenov, ancien Premier ministre français ou responsable d'une société de conseil ? 

Monsieur Bojenov est gouverneur de la région, nous ne comprenons pas cette question.

- Dans quelle mesure le planning économique de M. Ladreit et de ses équipes a-t-il été ajusté aux impératifs politiques de M. Fillon ?

Il s'agit d'une question pour M. de Lacharrière.

Cordialement,

Antonin Lévy

Le 15 avr. 2017 à 12:59, Frederic Guilledoux <FGuilledoux@laprovence-presse.fr> a écrit :

Bonjour M. Lévy,

Je vous remercie pour ces éléments d'autant que au vu de l'heure de votre envoi, vous les avez traités dès l'aube.

En synthèse de vos réponses, nous avons donc un déplacement d'ordre politique et diplomatique effectué par M. Fillon avec M. Ladreit de Lacharrière à bord d'un jet privé loué par une société appartenant à ce dernier (pour environ 50.000 euros ce que M. Fillon dit ignorer, avec un planning de vol adapté pour permettre à M. Fillon de rencontrer le président de la Douma), le tout sans dimension économique concernant M. Fillon (qui a préféré ce moyen de transport au billet d'avion AR mis à disposition de tous les participants du colloque international par l'organisateur RIAC).

Comme vous n'avez pas compris la question sur Volgograd, je vous la reprécise :

- Lors de leur séjour à Volgograd (22 mars 2013), après une halte au mémorial Kourgane Mamaïev, M. Fillon et M. Ladreit de Lacharrière ont été reçus par plusieurs personnes dont le gouverneur Bojenov, un député et des techniciens. Cette réunion de travail a porté sur plusieurs investissements que souhaitaient faire ou piloter dans la région les sociétés de M. Ladreit de Lacharrière, introduit en la circonstance par M. Fillon auprès des participants russes. Ont par exemple été évoqués les chantiers du nouveau stade pour la Coupe du monde, la réalisation d'un centre de traitement de déchets, des travaux sur l'aéroport, des routes, une liaison ferrée, de l'agroalimentaire, etc. Il est à noter que d'autres sociétés, notamment un groupement franco-lituanien venu quelques semaines plus tôt, étaient dans la course. Concernant cette entrevue, au cours de laquelle M. Fillon semble être largement intervenu sur le contenu des dossiers, agissait-il en tant qu'homme politique ou en tant que responsable d'une société de conseil déjà en contrat avec Fimalac (et ce bien qu'il assure selon vos réponses ne pas avoir participé à des rendez-vous économiques avec M. Ladreit et des équipes de « Fitch Ratings », pour reprendre la terminologie employée par la presse russe) ?

Merci pour votre aide. Dans l'attente d'une réponse à cette dernière question, qui convenait effectivement d'être reprécisée,

Cordialement, 

F.G.

Re: TR: QUESTIONS JOURNAL LA PROVENCE / VOYAGE M. FILLON RUSSIE MARS 2013

Levy, Antonin <antonin.levy@hoganlovells.com> Répondre à tous sam. 15/04, 21:02 Frederic Guilledoux; Philippe Schmit; François Tonneau; mlevy@image7.fr

Bonsoir,

Votre synthèse mélange vos questions et nos réponses et me prête des propos que je n’ai pas prononcés. Je vous reprécise donc notre position afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté :

 1)       François Fillon s’est rendu en Russie avec M. de Lacharrière qui se rendait à la même conférence.

2)       Concernant vos affirmations sur les conditions matérielles du voyage, elles ne sauraient m’être imputées et n’engagent que vous.

3)       Vous ne pouvez pas non plus me faire dire que le planning a été modifié pour permettre une rencontre avec le Président de la Douma.

4)       Le déroulé de la journée à Volgograd n'est pas celui que vous écrivez et nous ne comprenons toujours pas votre question. Francois Fillon a été accueilli à son arrivée par le gouverneur Bojenov. Il s'est ensuite rendu au monument. Puis a prononcé un discours et a déjeuné avec des anciens combattants. Il n'a participé à aucune réunion telle que celle que vous évoquez.

Pour la bonne information de vos lecteurs, je vous remercie de bien vouloir distinguer dans votre article, avec précision, vos affirmations de mes propos. Et faire mention des démentis détaillés ci-dessus.

Cordialement,

Antonin Lévy

François Fillon en campagne près de Nîmes le 2 mars 2017 (avec Valérie Boyer, Luc Chatel et Eric Ciotti) / Photo Bruno Souillard

François Fillon en campagne près de Nîmes le 2 mars 2017 (avec Valérie Boyer, Luc Chatel et Eric Ciotti) / Photo Bruno Souillard

François Fillon en campagne près de Nîmes le 2 mars 2017 (avec Valérie Boyer, Luc Chatel et Eric Ciotti) / Photo Bruno Souillard

François Fillon en campagne près de Nîmes le 2 mars 2017 (avec Valérie Boyer, Luc Chatel et Eric Ciotti) / Photo Bruno Souillard