Joséphine Baker, une femme libre

Artiste de music-hall, grande amoureuse, femme engagée, chef d’une atypique famille, elle est la première femme noire née américaine à entrer au Panthéon.

Dans les années 1920, après son arrivée à Paris / La Provence

Dans les années 1920, après son arrivée à Paris / La Provence

Dans les années 1920, après son arrivée à Paris / La Provence

Pour l’Élysée, qui a choisi de faire d’elle la sixième femme à entrer au Panthéon, Joséphine Baker est une figure majeure de l’émancipation. Des émancipations, pourrait-on dire tant, sa vie durant, elle a combattu les préjugés après avoir fait siennes les « valeurs des Lumières de la République française et de l’ouverture au monde que cela implique ». Quête de liberté et de justice, volonté, détermination caractérisent cette femme à la vie (privée et publique) fantasque, dont la carrière a commencé au milieu des années 1920. Cette Américaine qui a choisi de devenir Française le jour de son mariage, le 30 novembre 1937, entrera au Panthéon ce mardi, soit exactement 84 ans plus tard. Pour mieux connaître toutes ses facettes, nous avons interviewé Emmanuel Bonini, l’auteur de nombreuses biographies d’investigation, consacrées notamment à Montand, Dalida, Piaf, Romy Schneider, etc. Il a publié en 2000 chez Pygmalion « La Véritable Joséphine Baker », qui a récemment été réédité. Il commentera le 30 novembre pour Radio France Internationale la cérémonie d’entrée au Panthéon de la chanteuse devenue symbole.

Emmanuel Bonini commentera pour Radio France Internationale la cérémonie d’entrée au Panthéon / Corse-Matin

Emmanuel Bonini commentera pour Radio France Internationale la cérémonie d’entrée au Panthéon / Corse-Matin

Emmanuel Bonini commentera pour Radio France Internationale la cérémonie d’entrée au Panthéon / Corse-Matin

En 1963 à la Marche sur Washington, organisée par Martin Luther King / La Provence

En 1963 à la Marche sur Washington, organisée par Martin Luther King / La Provence

En 1963 à la Marche sur Washington, organisée par Martin Luther King / La Provence

Quel sens donnez-vous à l'entrée de Joséphine Baker au Panthéon ?

Je pense que chacun peut donner la signification qu'il entend, surtout ceux qui ne connaissent pas Joséphine. C'est un personnage tellement varié, tellement complexe ! Il est évident qu'il y a beaucoup de récupération dans cette affaire, ne serait-ce parce que l'idée a été portée par l'essayiste Laurent Kupferman, auteur de nombreux ouvrages sur la franc-maçonnerie et sans doute très sensible au fait qu'elle ait été initiée en 1960 au sein de la Grande Loge féminine de France. Alors que même si ses idéaux cadraient avec la franc-maçonnerie, ce n'était pas une religion pour elle : ce que Joséphine aimait, c'était la France, on pourrait dire les principes de la République. Toujours est-il qu'elle mérite d'être honorée, parce qu'elle a lutté contre tous les racismes : celui de la part des blancs bien sûr mais aussi celui qui existait au sein de la communauté noire et dont elle a souffert puisqu'elle était mulâtre. Quand elle est retournée aux États-Unis après être entrée dans la lumière à Paris, après avoir été reçue dans toutes les cours royales européennes, elle s'est rendu compte qu'elle était toujours traitée comme une Noire... Ça a fait tilt chez elle et elle a pris leur défense, ce qui l'a amenée à participer en 1963 à la Marche sur Washington organisée par Martin Luther King, lors de laquelle elle prononce un discours, vêtue de son ancien uniforme de l'Armée de l'air française et de ses médailles. Elle disait : « Moi, je ne vous vois ni blanc, ni noir, je vous vois tout rose. Regardez-moi comme une femme rose ! ». Je crois que ses bonnes couleurs étaient le bleu, le blanc et le rouge, parce qu'elle avait une fibre patriotique extraordinaire. Dans les années 1960, elle a chanté pour le 14-Juillet à Paris, elle engueulait les gens parce qu'ils ne reprenaient pas « La Marseillaise » !

Surtout, il y a son engagement bien réel dans la Résistance. Quel a été son rôle ?

Bien évidemment, dès septembre 1939, elle devient un agent du contre-espionnage français. Puis elle s'engage pour la France libre quand les Allemands rentrent dans Paris, le 14 juin. Et auparavant, devinant un piège, elle avait refusé de participer à un film qui aurait pu fragiliser la position de la France dans les colonies. Je me plais à dire qu'elle a précédé le général de Gaulle, même si elle s'est naturellement ralliée à lui par la suite. Toujours est-il que son rôle aura essentiellement été de faire du renseignement, en obtenant des informations et surtout en les transmettant à l'occasion de ses tournées. C'est ainsi qu'en 1941, elle vient à Marseille pour la reprise de « La Créole » d'Offenbach à l'Opéra : ce n'est qu'un prétexte... Hélas, elle tombe malade et son contrat est rompu.

En 1961, elle reçoit des mains du général Valin les insignes de chevalier de la Légion d’honneur et la croix de guerre / La Provence

En 1961, elle reçoit des mains du général Valin les insignes de chevalier de la Légion d’honneur et la croix de guerre / La Provence

En 1961, elle reçoit des mains du général Valin les insignes de chevalier de la Légion d’honneur et la croix de guerre / La Provence

Dans les années 1950 à La Havane / La Provence

Dans les années 1950 à La Havane / La Provence

Dans les années 1950 à La Havane / La Provence

Autre épisode, bien oublié, sa proximité avec la révolution castriste. Fin 1965, elle participe par exemple à une conférence internationale à l'invitation de Fidel Castro...

Eh oui, mais je ne crois pas que ce soit la raison qui justifie son entrée au Panthéon ! À propos de ce déplacement, ses motivations étaient un peu particulières : elle avait besoin d'argent pour construire le « collège de la Fraternité universelle » sur le domaine du château des Milandes, en Dordogne. Elle est donc allée à Cuba avec une amie, qui était la secrétaire de l'ambassadeur d'Espagne. Une fois sur place, elle a tapé sur les États-Unis. Quand elle est rentrée en France, Castro lui a envoyé 50 000 francs pour le collège mais il n'y a même pas eu de première pierre posée, d'où une brouille définitive avec son amie...

Les dernières années de sa vie sont assez compliquées, elle doit abandonner son château. Comment Grace de Monaco vient-elle à son secours ?

Avec les douze orphelins qu'elle avait adoptés, elle a dû partir, elle s'est retrouvée dans un deux-pièces à Paris... Ils étaient entassés à quinze car il y avait aussi sa soeur et son beau-frère. Grace de Monaco a alerté les services de la Croix-Rouge monégasque qui ont avancé les premiers fonds pour trouver une villa pour Joséphine à Roquebrune-Cap-Martin. Ils ont acheté quelques meubles, des lits de camp. La princesse Grace l'a prise sous son aile et elle lui a permis de faire par deux fois le gala de la Croix-Rouge, c'est grâce à elle que sa carrière a été relancée : elle n'a jamais cessé de chanter jusqu'à la fin de sa vie... d'autant qu'elle devait faire face aux dettes, aux créanciers, aux impôts, etc.

Joséphine Baker et ses enfants adoptifs de la tribu Arc en Ciel, à Monaco en 1969 / La Provence

Joséphine Baker et ses enfants adoptifs de la tribu Arc en Ciel, à Monaco en 1969 / La Provence

Joséphine Baker et ses enfants adoptifs de la tribu Arc en Ciel, à Monaco en 1969 / La Provence

Joséphine Baker fut une des premières ambassadrices de la mode française / La Provence

Joséphine Baker fut une des premières ambassadrices de la mode française / La Provence

Joséphine Baker fut une des premières ambassadrices de la mode française / La Provence

Vous avez rencontré de nombreuses personnes qui avaient bien connu Joséphine Baker. Quelle était sa véritable personnalité ?

C'était quelqu'un d'une liberté extraordinaire, surtout pour l'époque. C'est éclatant quand elle chante, quand elle danse, quand elle tourne dans des films ! C'est également quelqu'un d'un grand courage, qu'elle manifeste durant la Seconde Guerre mondiale et par la suite. Elle était toutefois loin d'être exemplaire, elle a gâché beaucoup de choses, blessé beaucoup de gens par son entêtement, par son insouciance, par son inconséquence, par son autoritarisme. Son projet du château des Milandes était une folie, elle voulait en faire un complexe touristique, il y avait un théâtre d'été, un théâtre d'hiver, etc. Mais elle gérait très mal, elle n'écoutait que les mauvais conseillers, d'autant que certaines personnes abusaient d'elle en présentant plusieurs fois la même facture... C'était une humaniste mais aussi un despote pas possible, on ne pouvait pas vivre avec elle. Elle le disait elle-même : « C'est impossible de vivre avec des gens comme moi ». Mais il faut aussi voir d'où elle venait, du ghetto, rejetée pour sa couleur de peau, marquée par la misère.

« La Véritable Joséphine Baker », Pygmalion, 368 pages, 19,90 euros.

Dans les années 1920 avec sa célèbre ceinture de bananes / La Provence

Dans les années 1920 avec sa célèbre ceinture de bananes / La Provence

Dans les années 1920 avec sa célèbre ceinture de bananes / La Provence

Avec son mari Jo Bouillon et leurs enfants adoptés, en Camargue en 1957 / La Provence

Avec son mari Jo Bouillon et leurs enfants adoptés, en Camargue en 1957 / La Provence

Avec son mari Jo Bouillon et leurs enfants adoptés, en Camargue en 1957 / La Provence

En 1961 en uniforme de l'Armée de l'Air / La Provence

En 1961 en uniforme de l'Armée de l'Air / La Provence

En 1961 en uniforme de l'Armée de l'Air / La Provence

A Marseille le 25 février 1967, lors d'un repas de presse / La Provence

A Marseille le 25 février 1967, lors d'un repas de presse / La Provence

A Marseille le 25 février 1967, lors d'un repas de presse / La Provence

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Dans les années 1920 avec sa célèbre ceinture de bananes / La Provence

Dans les années 1920 avec sa célèbre ceinture de bananes / La Provence

Dans les années 1920 avec sa célèbre ceinture de bananes / La Provence

Avec son mari Jo Bouillon et leurs enfants adoptés, en Camargue en 1957 / La Provence

Avec son mari Jo Bouillon et leurs enfants adoptés, en Camargue en 1957 / La Provence

Avec son mari Jo Bouillon et leurs enfants adoptés, en Camargue en 1957 / La Provence

En 1961 en uniforme de l'Armée de l'Air / La Provence

En 1961 en uniforme de l'Armée de l'Air / La Provence

En 1961 en uniforme de l'Armée de l'Air / La Provence

A Marseille le 25 février 1967, lors d'un repas de presse / La Provence

A Marseille le 25 février 1967, lors d'un repas de presse / La Provence

A Marseille le 25 février 1967, lors d'un repas de presse / La Provence