Jules Muraire dit « Raimu »,
vedette du théâtre, star du parlant

En 1932 avec Charpin, dans « Fanny » de Marc Allégret / La Provence

En 1932 avec Charpin, dans « Fanny » de Marc Allégret / La Provence

En 1932 avec Charpin, dans « Fanny » de Marc Allégret / La Provence

Né le 18 décembre 1883 à Toulon, c’est sur les planches parisiennes que Raimu se fait un nom, ne tournant guère que dans sept films muets. Tout change en 1931, quand il se laisse convaincre par Roger Richebé de se lancer dans le cinéma parlant : tiré d’une pièce de Sacha Guitry, « Le Blanc et le noir » de Robert Florey et Marc Allégret est le premier d’une longue série de films. Disparu il y a tout juste 75 ans, Raimu était pour Orson Welles le plus grand des acteurs !

En 1934, André Hugon adapte au cinéma le procès de Gaspard de Besse, avec Raimu et Berval dans les rôles principaux / Musée Raimu

En 1934, André Hugon adapte au cinéma le procès de Gaspard de Besse, avec Raimu et Berval dans les rôles principaux / Musée Raimu

En 1934, André Hugon adapte au cinéma le procès de Gaspard de Besse, avec Raimu et Berval dans les rôles principaux / Musée Raimu

Avant d’être un monstre du cinéma, Raimu est une bête de scène. Né le 18 décembre 1883 à Toulon, il prend conscience de sa puissance comique à Marseille. Il a 15 ans et il remplace au pied levé le personnage principal de la pièce « Le Voyage en Suisse », donnée à l’Alhambra. Apprendre son texte pour le soir même ? Aucun problème. Jules est le souffleur, celui qui colmate les trous de mémoire. Il connaît les dialogues par cœur. La carrière commence. Avec ses hauts et ses bas. Associé à Frémy, il s’essaye aux fantaisies militaires. « J’étais absolument nul, avouera-t-il à sa fille. Les jets de tomates bien mûres et autres œufs pourris étaient nettement plus fréquents que les applaudissements ». Ses débuts sur les bords de la rade de Toulon sont particulièrement difficiles : « Pas vraiment prometteurs », reconnaît sa petite-fille Isabelle Nohain-Raimu, qui a publié voici quelques années « Raimu, un grand enfant de génie » (Cherche-Midi). « Tu n’es pas fait pour ce métier », lui assène le directeur du casino local, après son premier passage sur scène. Le public le siffle. Benjamin Augé, la vedette de la revue, est du même avis : « À votre place, je n’insisterais pas ».

La maison natale de Jules Muraire à Toulon / Var-Matin

La maison natale de Jules Muraire à Toulon / Var-Matin

La maison natale de Jules Muraire à Toulon / Var-Matin

Félix Mayol avec l’actrice Gaby Morlay, en 1912 / Maxppp

Félix Mayol avec l’actrice Gaby Morlay, en 1912 / Maxppp

Félix Mayol avec l’actrice Gaby Morlay, en 1912 / Maxppp

Entre 1904 et 1910, il se produit à Marseille au Palais de Cristal, sur le haut de la Canebière. Des comédies légères comme « Le Complet marseillais ». Le métier rentre. D'abord surnommé Rallum, Jules Muraire prend son nom d’artiste de Raimu. Il est prêt pour la capitale où l’attend… un Toulonnais, Mayol, qui possède sa propre salle de concert. L’inoubliable interprète de « Viens, Poupoule » soutient ces « comiques à l’huile », des artistes « avé l’assent » qui apportent Marseille sur un plateau jaune soleil à des Parisiens jamais rassasiés de nouveautés.

En juin 1925 au championnat des artistes, organisé au Parc des Princes / Maxppp

En juin 1925 au championnat des artistes, organisé au Parc des Princes / Maxppp

En juin 1925 au championnat des artistes, organisé au Parc des Princes / Maxppp

S’il s’essaye au cinéma des 1912 (« L’Agence Cacahuète » de Roger Lion et « Godasse fumiste » de Gérard Bourgeois), c’est au théâtre que Raimu se fait un nom. Mobilisé en août 1914 à Orange au sein du 15ème ETEM, envoyé au front puis réformé en mars 1915, il joue au théâtre Michel à son retour à Paris, puis Sacha Guitry lui confie son premier rôle important dans « Faisons un rêve » en 1916. D’autres suivront, au point que lors de sa première rencontre avec Marcel Pagnol en 1928, sa notoriété est bien supérieure à celle de l’auteur aubagnais qui vient de remporter son premier succès avec la pièce « Topaze » donnée aux Variétés. Aussi, c’est avec circonspection qu’il réceptionne le texte de « Marius » : « Entre gensses du Midi, il faut s’entraider. Laissez-la-moi, votre couillonnade marseillaise, je vais la lire ». Convaincu, Raimu accepte de se lancer dans l’aventure. À eux deux, ils vont imposer « Marius » aux directeurs de théâtre, « plus que réticents » à monter cette pièce « pour la bonne et simple raison », rappelée par Isabelle Nohain-Raimu, « que cela se passe à Marseille et que l’auteur tient à ce que les comédiens gardent leur accent ». Inconcevable. Et pourtant, « Marius » sera bel et bien produit et ce sera un succès gigantesque, tant au théâtre qu’au cinéma, en France comme à l’étranger. Qui plus est, ce qui est le premier volet de la « Trilogie » scelle une amitié professionnelle qui durera jusqu’à la mort de Jules en 1946.

Marcel Pagnol dans les années 1920 / La Provence

Marcel Pagnol dans les années 1920 / La Provence

Marcel Pagnol dans les années 1920 / La Provence

L'affiche de « Marius », tourné en 1931 / La Provence

L'affiche de « Marius », tourné en 1931 / La Provence

L'affiche de « Marius », tourné en 1931 / La Provence

Roger Richebé, propriétaire d'un réseau de salles dans le Sud-Est / La Provence

Roger Richebé, propriétaire d'un réseau de salles dans le Sud-Est / La Provence

Roger Richebé, propriétaire d'un réseau de salles dans le Sud-Est / La Provence

Pour autant, ce n’est pas avec Pagnol que Raimu fait ses débuts dans le cinéma parlant, après sept films muets, mais avec Roger Richebé. À l’époque, ce Marseillais ne tourne pas les films : il les diffuse, dans un réseau de salles qui couvre les Bouches-du-Rhône, le Var et le Gard. Sa mère avait ouvert en 1904 l’une des premières salles de cinéma de Marseille, sur le Vieux-Port. À part Pagnol, personne, avant lui, n’a essayé de convertir Raimu au parlant, popularisé en 1927 aux USA avec « Le Chanteur de jazz ». Il est vrai que l’acteur ne croit guère à cette nouvelle forme de cinéma, malgré l’enthousiasme de certains de ses confrères comme Pierre Blanchar : Jules défend le muet.

Richebé a hérité de ses parents la bosse des affaires. Il a flairé le bon coup : « Personne ne veut de Raimu, ils ont bien tort. Moi je ne vais pas passer à côté d’une si belle opportunité », lui fait dire Isabelle Nohain-Raimu, qui s’occupe du musée consacré à son grand-père qui a ouvert à Marignane. Richebé fait un pont d’or à Raimu, qui accepte… au grand dépit de Pagnol. À Robert Florey (que remplacera Marc Allégret au bout de quelques jours de tournage) de réaliser en 1931 « Le Blanc et le noir », tiré d’une pièce de Sacha Guitry. Au générique apparaît un débutant originaire de Marseille, un certain Fernandel. Avec Raimu, il tournera six films supplémentaires. Raimu qui ne tarde pas à être reconnu internationalement comme un immense acteur, peut-être le plus grand, si l’on fait confiance au jugement d’Orson Welles.

« Le Blanc et le noir », premier film parlant tourné par Raimu / La Provence

« Le Blanc et le noir », premier film parlant tourné par Raimu / La Provence

« Le Blanc et le noir », premier film parlant tourné par Raimu / La Provence

« L'Etrange Monsieur Victor », film de 1937 réalisé par Jean Grémillon / La Provence

« L'Etrange Monsieur Victor », film de 1937 réalisé par Jean Grémillon / La Provence

« L'Etrange Monsieur Victor », film de 1937 réalisé par Jean Grémillon / La Provence

Le 26 septembre 1946 à Paris, toute la profession est présente pour une cérémonie en l'église Saint Philippe du Roule / La Provence

Le 26 septembre 1946 à Paris, toute la profession est présente pour une cérémonie en l'église Saint Philippe du Roule / La Provence

Le 26 septembre 1946 à Paris, toute la profession est présente pour une cérémonie en l'église Saint Philippe du Roule / La Provence

Le 11 mars 1946, Raimu roule en voiture sur la nationale 6, qui était à l'époque l'axe Paris-Méditerranée, pour aller à Monte-Carlo, en compagnie du dramaturge et réalisateur Yves Mirande. À Tournus, un accident survient et Raimu subit de multiples fractures. Retour en ambulance à Paris, où il est opéré à la clinique Lyautey. Il en sort le dimanche 6 mai 1946, au bout de 54 très longues journées. Trois mois plus tard, il va à l'Hôpital américain de Paris pour une nouvelle opération chirurgicale, en apparence bénigne, dans le but de soigner les complications de la fracture du tibia provoquée par l’accident. Il meurt au bloc opératoire le 20 septembre 1946 d'une crise cardiaque (probablement une syncope blanche provoquée par une allergie à un produit anesthésiant). A Paris, toute la profession est présente pour une cérémonie en l'église Saint Philippe du Roule. Lors de ses obsèques à Toulon, le poète Maurice Rostand rendra un émouvant hommage à Jules Muraire, porté vers sa dernière demeure par des milliers d’admirateurs : « Quand s’éteint cette voix, Fameuse et familière, Pagnol pleure ici-bas, Là-haut pleure Molière ».

« La Femme du boulanger » est resté sept ans à l’affiche à New York / La Provence

« La Femme du boulanger » est resté sept ans à l’affiche à New York / La Provence

« La Femme du boulanger » est resté sept ans à l’affiche à New York / La Provence

« La Femme du boulanger » est resté sept ans à l’affiche à New York / La Provence