PRÉSIDENTIELLE 1974

René Dumont, le prophète écologiste dans le désert

René Dumont lors de son passage en Provence durant la campagne présidentielle / La Provence

René Dumont lors de son passage en Provence durant la campagne présidentielle / La Provence

René Dumont lors de son passage en Provence durant la campagne présidentielle / La Provence

Organisée en urgence après la mort de Georges Pompidou, l’élection présidentielle de mai 1974 marque la naissance de l’écologie politique. Elle est portée par l’agronome René Dumont, connu pour son engagement contre les famines qui frappent les pays du Tiers-Monde. Un des temps forts de sa campagne est sa venue dans le secteur de l'étang de Berre, pour dénoncer les usines polluantes. S’il trouve alors peu d’écho dans les urnes (1,2%), ses idées ont depuis prospéré, comme en témoigne le débat actuel sur la transition énergétique.

La zone industrielle de Fos-sur-Mer au début des années 1970 / La Provence

La zone industrielle de Fos-sur-Mer au début des années 1970 / La Provence

La zone industrielle de Fos-sur-Mer au début des années 1970 / La Provence

Le 19 avril 1974, en pleine campagne des élections présidentielles, un vieil homme au pull-over rouge et aux cheveux en bataille fait sensation à la télévision. Sur un ton convivial, il annonce les pires catastrophes à l’humanité pour peu qu’elle continue sa course productiviste et sur-consommatrice. « Et vous savez ce qu’il va se passer ? Eh bien nous allons bientôt manquer d’eau et c’est pourquoi je bois devant vous un verre d’eau précieuse puisqu’avant la fin du siècle elle manquera. Je vous dis au revoir et j’espère vous revoir pour vous expliquer notre projet global d’avenir. Merci les amis ». Il prend alors un verre et boit une gorgée d’eau, laissant place à un silence de quelques secondes. Ce grand moment d’audiovisuel n’a été perçu qu’a posteriori. Sur le coup, les Français ont oscillé entre le rire, l’incompréhension ou la stupéfaction.

René Dumont alerte à la télévision sur les pénuries d'eau à venir / Ina

René Dumont alerte à la télévision sur les pénuries d'eau à venir / Ina

René Dumont alerte à la télévision sur les pénuries d'eau à venir / Ina

Réunion électorale de René Dumont dans les Bouches-du-Rhône / La Provence

Réunion électorale de René Dumont dans les Bouches-du-Rhône / La Provence

Réunion électorale de René Dumont dans les Bouches-du-Rhône / La Provence

Tout comme quand, la semaine suivante, il se rend dans le complexe industriel de Fos-sur-Mer d’où il est refoulé par des gardiens goguenards qui lui disent qu’ils s’en foutent de l’écologie et qu’ils votent Mitterrand. Disponible sur le site internet de l’Ina, un reportage des « Actualités Méditerranée » le montre en train de s’entretenir avec des pêcheurs de Port-Saint-Louis-du-Rhône, qui ne pêchent plus grand-chose. « Les pêcheurs, qu’est-ce que vous pensez de tout ce qui passe ? », demande-t-il. « Ici, il n’y a plus la vie », répondent deux hommes en ciré en désignant la mer, expliquant qu’ils ne peuvent plus ramasser les moules et les coquillages à cause des pollutions. Moment encore plus incroyable quand il jette à terre un gros caillou, qui symbolise la première pierre d’une centrale d’électricité projetée par EDF entre l’étang de Berre et le golfe de Fos : « Nous espérons que le projet s’arrêtera comme dans beaucoup de pays ; une fois la première pierre posée, l’essentiel est fait, pas la peine de continuer… ».

Mais qui était donc ce professeur nimbus, cet hurluberlu, ce prophète de malheur qui se servait de l’élection présidentielle pour appeler les Français à ouvrir les yeux sur l’autodestruction de leur civilisation ? Cet homme, c’est René Dumont, né en 1904 dans le Nord. Le premier candidat écologiste à la présidence de la République. Malgré son discours alarmiste, il n’est pas pris au sérieux. Il est vrai qu’à l’époque, les « écolos » sont vus comme de doux rêveurs, des utopistes, des babas cool « peace and love », des hippies à cheveux longs qui se déplacent à vélo, embaumant le patchouli, mangeurs des carottes et de fromages de chèvre. Alors que s’achèvent les Trente glorieuses, qui ont modernisé et enrichi le pays, prétendre que la croissance est une menace pour l’homme et son environnement est parfaitement inaudible. D’ailleurs, quelques années plus tôt à peine, René Dumont lui-même aurait trouvé ce discours totalement idiot. C’est que René Dumont n’est pas né écologiste… il l’est devenu, après une longue carrière à l’Institut national d’agronomie débutée au Tonkin et qui lui a valu de conseiller plusieurs ministres et des organismes internationaux.

Dans les années 1960, René Dumont publie plusieurs ouvrages sur la faim dans le monde / La Provence

Dans les années 1960, René Dumont publie plusieurs ouvrages sur la faim dans le monde / La Provence

Dans les années 1960, René Dumont publie plusieurs ouvrages sur la faim dans le monde / La Provence

Publié en 1973, le livre « L’Utopie ou la mort » lance le concept de « développement durable » / La Provence

Publié en 1973, le livre « L’Utopie ou la mort » lance le concept de « développement durable » / La Provence

Publié en 1973, le livre « L’Utopie ou la mort » lance le concept de « développement durable » / La Provence

De la fin des années 1960 date sa conversion à l’écologie. Lui, l’ancien productiviste, le chantre des engrais chimiques, se met à critiquer la révolution verte du Tiers-Monde comme détruisant l’environnement et aggravant les tensions sociales. En 1973, avec « L’Utopie ou la mort », il publie la bible de l’écologie politique, ce qui lui vaut les sarcasmes de la droite comme du PS ou du PCF qui communient tous dans l’illusion de la permanence éternelle des Trente glorieuses. Il a même changé d’apparence : ses cheveux sont plus longs, et il a troqué son strict costume de professeur pour une chemise hippie. S’il est toujours un tiers-mondiste acharné, il a élargi la palette de ses combats. Il parle ainsi du nucléaire, de l’érosion des sols, de la pollution, mais aussi de la question énergétique : « On a bâti une civilisation sur une énergie bon marché comme si elle était inépuisable et brusquement on s’aperçoit qu’elle n’est pas inépuisable. » Enfin, il aborde le sujet de la croissance économique, s’affirmant favorable non pas à une croissance zéro, mais à une autre croissance « qui ne gaspille pas autant, qui fait le recyclage, qui ne fasse pas tous les mois une ramification d’autoroute en plus ».

Invité de l’émission politique « Actuel 2 », présentée par Jean-Pierre Elkabach, en mai 1973, il revendique devant des journalistes ahuris l’étiquette d’utopiste : « L’utopisme, c’est simplement une organisation de la société qui n’est pas acceptable par l’opinion publique actuelle mais qui s’imposera un jour ». Car il en est persuadé, il est un précurseur, un prophète qui annonce un autre monde : « Je suis en train de montrer qu’un jour s’imposeront des mesures qui changeront radicalement notre conception de la vie mais qui nous feront une autre conception de la vie. Une conception où on vivra plus près de la nature, où l’on aura la jouissance d’être plus que la jouissance d’avoir ». Pour lui, la question n’est plus capitalisme ou marxisme, qui sont deux productivismes conduisant à l’impasse. La question est de trouver les clefs d’une autre croissance respectueuse des hommes et de l’environnement ; et en attendant de la trouver, de stopper la course effrénée à la consommation et au gaspillage.

Sur le plateau de l’émission politique « Actuel 2 », présentée par Jean-Pierre Elkabach, en mai 1973 / Ina

Sur le plateau de l’émission politique « Actuel 2 », présentée par Jean-Pierre Elkabach, en mai 1973 / Ina

Sur le plateau de l’émission politique « Actuel 2 », présentée par Jean-Pierre Elkabach, en mai 1973 / Ina

Chirac et Chaban-Delmas, les deux « Jacques » du gaullisme / La Provence

Chirac et Chaban-Delmas, les deux « Jacques » du gaullisme / La Provence

Chirac et Chaban-Delmas, les deux « Jacques » du gaullisme / La Provence

Jean-Marie Le Pen pour sa première candidature à la présidentielle / La Provence

Jean-Marie Le Pen pour sa première candidature à la présidentielle / La Provence

Jean-Marie Le Pen pour sa première candidature à la présidentielle / La Provence

Valéry Giscard d'Estaing et sa fille Jacinte sur une de ses affiches / La Provence

Valéry Giscard d'Estaing et sa fille Jacinte sur une de ses affiches / La Provence

Valéry Giscard d'Estaing et sa fille Jacinte sur une de ses affiches / La Provence

Arlette Laguiller est la première femme à participer à une élection présidentielle / MaxPPP - Le Progrès

Arlette Laguiller est la première femme à participer à une élection présidentielle / MaxPPP - Le Progrès

Arlette Laguiller est la première femme à participer à une élection présidentielle / MaxPPP - Le Progrès

François Mitterrand (ici à Marseille) rassemble le PS, le PCF et le PRG / La Provence

François Mitterrand (ici à Marseille) rassemble le PS, le PCF et le PRG / La Provence

François Mitterrand (ici à Marseille) rassemble le PS, le PCF et le PRG / La Provence

Meeting de Jean Royer, candidat de l'Ordre moral, perturbé par des étudiants / Archives municipales de Toulouse

Meeting de Jean Royer, candidat de l'Ordre moral, perturbé par des étudiants / Archives municipales de Toulouse

Meeting de Jean Royer, candidat de l'Ordre moral, perturbé par des étudiants / Archives municipales de Toulouse

Item 1 of 6
Chirac et Chaban-Delmas, les deux « Jacques » du gaullisme / La Provence

Chirac et Chaban-Delmas, les deux « Jacques » du gaullisme / La Provence

Chirac et Chaban-Delmas, les deux « Jacques » du gaullisme / La Provence

Jean-Marie Le Pen pour sa première candidature à la présidentielle / La Provence

Jean-Marie Le Pen pour sa première candidature à la présidentielle / La Provence

Jean-Marie Le Pen pour sa première candidature à la présidentielle / La Provence

Valéry Giscard d'Estaing et sa fille Jacinte sur une de ses affiches / La Provence

Valéry Giscard d'Estaing et sa fille Jacinte sur une de ses affiches / La Provence

Valéry Giscard d'Estaing et sa fille Jacinte sur une de ses affiches / La Provence

Arlette Laguiller est la première femme à participer à une élection présidentielle / MaxPPP - Le Progrès

Arlette Laguiller est la première femme à participer à une élection présidentielle / MaxPPP - Le Progrès

Arlette Laguiller est la première femme à participer à une élection présidentielle / MaxPPP - Le Progrès

François Mitterrand (ici à Marseille) rassemble le PS, le PCF et le PRG / La Provence

François Mitterrand (ici à Marseille) rassemble le PS, le PCF et le PRG / La Provence

François Mitterrand (ici à Marseille) rassemble le PS, le PCF et le PRG / La Provence

Meeting de Jean Royer, candidat de l'Ordre moral, perturbé par des étudiants / Archives municipales de Toulouse

Meeting de Jean Royer, candidat de l'Ordre moral, perturbé par des étudiants / Archives municipales de Toulouse

Meeting de Jean Royer, candidat de l'Ordre moral, perturbé par des étudiants / Archives municipales de Toulouse

Au premier rang à droite, Brice Lalonde fut un des acteurs de Mai-68 / AFP

Au premier rang à droite, Brice Lalonde fut un des acteurs de Mai-68 / AFP

Au premier rang à droite, Brice Lalonde fut un des acteurs de Mai-68 / AFP

C’est alors que, le 2 avril 1974, on apprend la mort de Georges Pompidou. Des élections présidentielles sont organisées et la nébuleuse écologiste envisage de présenter un candidat. Mais cela ne va pas sans mal. Il y a ceux, vaguement anarchistes, qui considèrent que l’écologie ne doit pas être politisée, qu’elle ne doit pas avoir de chef ; d’autres qui ne veulent pas y aller pour ne pas gêner François Mitterrand, le candidat unique de la gauche. Et quand le nom de René Dumont s’impose, il en est qui poussent des cris d’orfraie : comment ? Un ancien productiviste !?! L’intellectuel Bernard Charbonneau, un des premiers penseurs de l’écologie, persifle : « On sent que M. Dumont est un converti de fraîche date, il répète des slogans qu’il n’a pas inventés en les accommodant de sauce gauchiste ». Dans « La Gueule ouverte », la principale revue écolo, il se fait procureur : « M. Dumont est un homme de gauche qui sur le tard a découvert les méfaits d’une certaine agriculture moderne dans les pays sous-développés. M. Dumont peut adhérer mais à condition de faire son autocritique et de rentrer dans le rang ». Malgré les aigreurs de certains, l’auteur de « L’Utopie ou la mort » est adoubé par la majorité. Reste maintenant à le convaincre… surtout que l’agronome, en voyage en Algérie, ne sait rien de ce qu’on lui réserve. Brice Lalonde, un des animateurs des Amis de la terre, part donc à sa rencontre, dans une deux-chevaux, à l’aéroport d’Orly. Il aborde René Dumont qui débarque d’avion en Djellaba : « Nous voulons te présenter à la présidentielle de la République ». René Dumont est stupéfait, lui demande de répéter, réfléchit quelques instants, puis répond : « D’accord, j’ai trois semaines de vacances avant de repartir, je vous les donne. À condition cependant que l’on parle du Tiers-Monde ».

L’aventure commence. Une aventure placée sous le signe du système D et de l’originalité, avec en guise de Q.G. de campagne une péniche amarrée près du pont de l’Alma. Dans cette arche de Noé, rien que des jeunes, souvent chevelus, à l’image de Brice Lalonde, son directeur de campagne ; une ambiance festive, décontractée, et un candidat charismatique qui en impose et ne dépare pas malgré ses 70 ans et ses cheveux blancs. Le 12 avril, lors de sa première conférence de presse, les médias ricanent. Un journaliste de télévision suggère même qu’il ne passera pas la barrière des signatures des maires. Et pourtant René Dumont décroche les parrainages et le voilà dans la course, stupéfiant les Français par ses manières décontractées, son discours novateur, détonnant au milieu des politiciens cravatés. D’ailleurs, à l’en croire, il est le seul candidat qui compte : « Tous les autres candidats ne vous parlent pas des choses essentielles. On vous parle de l’État et de sa souveraineté, on vous parle du bien public, de la croissance mais pas des menaces les plus effroyables, alors quoi ?! ». Les farfelus, finalement, ce ne sont pas les écologistes, mais les représentants des autres partis qui, aveugles, conduisent le monde au précipice.

Le candidat écologiste attire un public jeune, souvent chevelu / La Provence

Le candidat écologiste attire un public jeune, souvent chevelu / La Provence

Le candidat écologiste attire un public jeune, souvent chevelu / La Provence

Spot télévisé de René Dumont diffusé durant la campagne officielle / Ina

Spot télévisé de René Dumont diffusé durant la campagne officielle / Ina

Spot télévisé de René Dumont diffusé durant la campagne officielle / Ina

Mine de rien, ce néophyte excelle dans la communication : toujours vêtu d’un pull-over rouge, ne se déplaçant qu’en train ou à vélo, il improvise ses spots de campagne, dans un décor de simplicité monacale : « Mes amis, je viens de rentrer chez vous sans avoir frappé à la porte alors je crois qu’il est bon de me présenter et vous dire un certain nombre de choses. Je ne suis pas un candidat doux rêveur : j’ai 45 ans de travail agronomique sur le terrain ou 45 ans de travail d’enseignement à l’IA de Paris, donc dire que je suis un candidat pas sérieux c’est tout de même s’avancer un peu vite. Par ailleurs si je n’étais pas sérieux, est-ce que j’aurais été choisi par plus de 50 associations représentant plus de 100.000 adhérents répartis à travers la France ? Si je n’étais pas sérieux aurai-je été soutenu par 136 signatures ? Je représente ici un programme écologique. L’écologie qu’est-ce que c’est ? C’est un mot créé par un biologiste allemand qui étudie les rapports entre les êtres vivants et leur milieu naturel. Nous, les écologistes, on nous accuse d’être des prophètes de malheur et d’annoncer l’apocalypse. Mais l’apocalypse, nous ne l’annonçons pas : elle est là parmi nous, elle se trouve dans les nuages de pollution qui nous dominent, elle se trouve dans nos rivières polluées (…). Nous serons les seuls à parler de projet global d’avenir, les seuls à regarder en face les menaces de notre expansion illimitée, le pillage du Tiers-Monde, le gaspillage inouï de nos matières premières. Une telle expansion illimitée ne peut pas se poursuivre ».

Il crève l’écran, dynamite la campagne, et les journalistes hier condescendants se prennent eux-mêmes à l’admirer. Même « Le Monde » n’en revient pas : « C’est un jeune homme de 70 ans, écrit-il le 11 avril. Il a la spontanéité, voire la naïveté, le franc-parler pour ne pas dire l’impertinence des jeunes gens ». Quant à sa campagne, c’est du jamais vu, une sorte de fête, de « vélorution » permanente, comme à Mulhouse où les manifestants défilent en vélo. Au journal de TF1, on lui rend hommage : « René Dumont c’est un personnage, on pourrait presque dire LE personnage de l’élection présidentielle. Il débarque sur le quai de la gare, en vélo, accueilli par tout un monde folklorique et chevelu. Le professeur Dumont, agronome éminent de renommée mondiale, mène une campagne originale avec le sens de l’humour. » À Lille, devant 2.500 à 3.000 personnes, il soutient que la croissance des Trente glorieuses était une anomalie historique : « On ne peut pas doubler chaque année la consommation d’énergie comme on l’a fait depuis vingt ans. » Lors d’un meeting en Bretagne, constatant que la rivière est pleine de détergents, il dépose plainte à la gendarmerie de Quimperlé pour pollution de la Bretagne. Il pique-nique dans le camp militaire du Larzac. Le plus original, le plus déroutant, c’est encore ce mélange d’espièglerie et de ton professoral, de discours terrifiant sur les dangers qui menacent l’humanité et de formules pleines d’humour subversif : « La voiture ça pue, ça pollue, ça rend con ». Souvent, quand il se sent fatigué, il s’allonge sur le sol et s’endort quelques minutes. Un jour, arrivé en avance à la maison de la radio, il se couche devant le studio et est réveillé par un agent de sécurité qui lui dit qu’il ne faut pas rester là, car un candidat à la présidence de la république, un certain Dumont, doit enregistrer une émission. Un candidat comme celui-là, on n’en a tout bonnement jamais vu !

Devant son siège de campagne sur une péniche pont de l'Alma à Paris / MaxPPP

Devant son siège de campagne sur une péniche pont de l'Alma à Paris / MaxPPP

Devant son siège de campagne sur une péniche pont de l'Alma à Paris / MaxPPP

Pour le second tour, Dumont appelle à voter Mitterrand (ici à Marseille) / La Provence

Pour le second tour, Dumont appelle à voter Mitterrand (ici à Marseille) / La Provence

Pour le second tour, Dumont appelle à voter Mitterrand (ici à Marseille) / La Provence

Le 5 mai, voilà enfin le premier tour des élections. René Dumont obtient 1,2% des voix. Les résultats sont décevants, bien sûr, mais René Dumont est satisfait : il a averti ses concitoyens, il a cherché à faire prendre conscience des problèmes globaux de la planète. Surtout, il a posé les bases de l’écologie politique et veut espérer que les thèmes de l’environnement pénétreront désormais les grands partis. À cet effet, il s’entretient durant trente minutes avec François Mitterrand, entre les deux tours. Mais qu’on ne compte pas sur lui pour former un parti ! La récréation est terminée, il n’est pas un professionnel de la politique et n’entend pas faire carrière. Il avait promis trois semaines de son temps, pas plus. La campagne terminée, il retourne à ses chères études et s’envole pour le Togo.

Il ne quitte pas complètement la scène politique pour autant, mais restera désormais au second plan. Lors d’une législative partielle à Paris en 1976, il est par exemple le suppléant de Brice Lalonde qui recueille 6,5% des voix. Il le soutient tout naturellement en 1981, lors de la présidentielle, tandis que ce dernier se place respectueusement dans son sillage. Puis c’est la création des Verts, en 1984, la fédération de la nébuleuse écologiste. Deux ans plus tard, en 1986, Dumont accepte d’être tête de liste à Paris, parlant toujours pour l’avenir et en direction des jeunes. Les résultats sont sans appel : 1,4% ! À peine mieux que son score de 1974. Adieu le Palais-Bourbon, ce sera sa dernière élection. Le 18 juin 2001, à 97 ans, l’homme qui avait sillonné le monde part pour son dernier voyage. Pour ses obsèques, ce vieux libertaire qui avait dénoncé toutes les guerres, n’avait exprimé qu’un seul souhait : que l’on joue « Le Déserteur » de Boris Vian sur sa tombe. Peu de monde l’accompagne ce jour-là. Un petit cercle de fidèles. Avec ses allures de prophète, son ton professoral qui ne supporte pas d’objections, ses jugements sans appel, ses perpétuelles menaces de destruction de l’humanité, il avait fini par lasser, par énerver même. Ses adversaires le disaient trop misérabiliste, trop anxiogène, trop passéiste, trop révolutionnaire, trop autoritaire ou trop libertaire. Trop tout. Les jeunes écologistes eux-mêmes ne rêvaient que de tuer le père. René Dumont pouvait être oublié. Reste une cinquantaine d’ouvrages, parfois un peu datés car il s’est heureusement souvent trompé - sur le modèle chinois, l’explosion démographique, la famine, l’impossibilité du Tiers-Monde à se développer. Reste un personnage décalé, intransigeant, entier, perpétuellement indigné et dont l’indignation était le moteur de sa vie. Reste un empêcheur de consommer en paix, un emmerdeur, à la fois professeur Cosinus et farceur déguisé en vieil homme en pull rouge. Reste une figure effrayante qui annonçait le malheur parce qu’il voulait l’éviter, qui prophétisait la catastrophe parce qu’il souhaitait le bonheur. Reste l’homme qui a tiré les sonnettes d’alarme qui, parmi les premiers, a rappelé que la terre n’était pas inépuisable, et que notre civilisation fondée sur une croissance extensive n’était pas durable. Toute sa vie il a crié au loup ! Il aurait tant aimé se tromper, mais se désolait d’avoir raison : avoir joué les Cassandre ne console pas de l’incendie de Troie.

Le 18 juin 2001, René Dumont est mort à 97 ans / ONF

Le 18 juin 2001, René Dumont est mort à 97 ans / ONF

Le 18 juin 2001, René Dumont est mort à 97 ans / ONF

Le tee-shirt « Giscard à la barre » s'arrache : 50.000 pièces s'écoulent en quelques jours / Var-Matin

Le tee-shirt « Giscard à la barre » s'arrache : 50.000 pièces s'écoulent en quelques jours / Var-Matin

Le tee-shirt « Giscard à la barre » s'arrache : 50.000 pièces s'écoulent en quelques jours / Var-Matin

Les résultats

Premier tour (5 mai 1974)

France

Abstentions : 15,8%. François Mitterrand (PS) : 43,2%. Valéry Giscard d’Estaing (RI) : 32,6%. Jacques Chaban-Delmas (UDR) : 15,1%. Jean Royer (UDR) : 3,2%. Arlette Laguiller (LO) : 2,3%. René Dumont (écologiste) : 1,3%. Jean-Marie Le Pen (FN) : 0,7%. Emile Muller (MDSF) : 0,7%. Alain Krivine (FCR) : 0,4%. Bertrand Renouvin (royaliste) : 0,2%. Jean-Claude Sebag (fédéraliste) : 0,2%. Guy Héraud (fédéraliste) : 0,1%.

Région Paca

Abstentions : 17%. François Mitterrand (PS) : 48,1%. Valéry Giscard d’Estaing (RI) : 33%. Jacques Chaban-Delmas (UDR) : 11,6%. Jean Royer (UDR) : 1,9%. Arlette Laguiller (LO) : 1,6%. René Dumont (écologiste) : 1,4%. Jean-Marie Le Pen (FN) : 1,2%. Emile Muller (MDSF) : 0,4%. Alain Krivine (FCR) : 0,4%. Jean-Claude Sebag (fédéraliste) : 0,2%. Bertrand Renouvin (royaliste) : 0,2%. Guy Héraud (fédéraliste) : 0,1%.

Second tour (19 mai 1974)

France

Abstentions : 12,7%. Valéry Giscard d’Estaing : 50,8%. François Mitterrand : 49,2%.

Région Paca

Abstentions : 13,4%. François Mitterrand : 52,3%. Valéry Giscard d’Estaing : 47,7%.

Candidat en tête au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en deuxième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en deuxième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en deuxième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en troisième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en troisième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en troisième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au second tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au second tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au second tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Item 1 of 4
Candidat en tête au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en deuxième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en deuxième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en deuxième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en troisième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en troisième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en troisième position au premier tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au second tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au second tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Candidat en tête au second tour / Source : Laurent de Boissieu / france-politique.fr

Jean-Claude Sebag : « On m’appelait le petit fiancé de l’Europe »

Avec Gaston Defferre en 1969 et Bruno Mégret en 2002, Jean-Claude Sebag est le seul candidat « made in Bouches-du-Rhône » à avoir participé à une élection présidentielle, en 1974. Investi par le Mouvement fédéraliste européen (MFE), cet avocat aixois a obtenu 0,2% des suffrages (42.000 bulletins), maigre score qu'il ne vit pas comme une déconvenue : « Pas du tout, d’ailleurs j’avais demandé aux électeurs de ne pas voter pour moi, nous n’avions pas tiré suffisamment de bulletins pour qu’il y en ait dans tous les bureaux… J’étais là pour faire avancer mes idées ». Curiosité, sa sensibilité politique était également défendue par un autre candidat, l’Avignonnais Guy Héraud qui avec 0,1% des voix reste le postulant à l’Élysée qui a obtenu le score le plus faible de la Ve République (en 1969, ce professeur de Droit public avait tenté sans succès de se présenter au nom « des langues et des cultures minoritaires ») : « Nous avons envisagé qu’un l’un se désiste pour l’autre et puis, finalement, nous avons décidé de nous présenter tous les deux : il valait mieux bénéficier de quatre heures de télévision plutôt que de deux. Au départ, ça a intrigué les médias, donc on a suscité un certain intérêt. Je me souviens d’un article dans ''L’Aurore'', qui me baptisait "le petit fiancé de l’Europe". Ça a longtemps amusé mes amis. Il y a également eu des reportages à la télévision. Puis, les pouvoirs publics ont serré la vis : ils craignaient qu’on trouble l’élection. Héraud, le royaliste Renouvin, moi et d’autres, nous avons complètement disparu en dehors des émissions officielles. Pour l’enregistrement des interventions à la télévision pour la campagne officielle, nous étions convoqués par l’ORTF selon un planning militaire. Deux prises au maximum par émission, pas de droit à l’erreur. Je n’étais pas ignorant des choses de la parole, puisque j’enseignais à la faculté de Droit d’Aix-en-Provence, mais ma première intervention était carrément inaudible sur le plan de la compréhension. Après, ça s’est amélioré ». Si après la brève campagne de 1974, Jean-Claude Sebag a continué à militer pour la décentralisation et pour l’Europe (particulièrement au sein de l’association Les Juristes Européens-Provence qu’il préside toujours), l’essentiel de son activité est resté son métier d’avocat. Il a ainsi assisté les victimes d’Hamida Djandoubi, le dernier guillotiné de France en 1977, et traité de nombreux dossiers de défense de l’environnement (notamment pour la préservation des gorges du Verdon).

Avocat aixois, Jean-Claude Sebag défend le fédéralisme européen / La Provence

Avocat aixois, Jean-Claude Sebag défend le fédéralisme européen / La Provence

Avocat aixois, Jean-Claude Sebag défend le fédéralisme européen / La Provence

Sudorama / Institut National de l'Audiovisuel. Durée : 02:04

Sudorama / Institut National de l'Audiovisuel. Durée : 02:04

Sudorama / Institut National de l'Audiovisuel. Durée : 02:04

Sudorama / Institut National de l'Audiovisuel. Durée : 02:04