Régionales en Paca : tout comprendre du scrutin et de ses enjeux

À moins d'une semaine du vote, notre long format pour connaître le rôle de la région dans notre quotidien, mais aussi les conséquences politiques de l'élection. Découvrez aussi le détail des neuf listes candidates

"Le traitement des Hautes-Alpes n'a rien à avoir avec la Camargue. Celui de Berre n'a rien à voir avec celui du Mercantour. Le port de Nice n'a rien à voir avec celui de Marseille." Depuis 2017, Renaud Muselier (LR) occupe le siège de président du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Et a pour mission de représenter ce vaste territoire de 5,059 millions d’habitants, au profil très varié.

Les 20 et 27 juin prochain, Provençaux, Alpins et Azuréens sont appelés aux urnes pour élire les 123 conseillers qui siégeront durant les six prochaines années

Il n’y était pas arrivé par la plus grande des portes, profitant du retrait de Christian Estrosi. Mais Muselier y a pris goût et est candidat à sa réélection. Les 20 et 27 juin prochain, Provençaux, Alpins et Azuréens sont appelés aux urnes pour élire les 123 conseillers qui siégeront durant les six prochaines années.

Le sortant se présente sur la ligne de départ avec une liste à l’image de sa majorité actuelle, de droite et de centre-droit. Et ce, avec la présence de quelques membres du parti présidentiel La République en Marche, qui auront causé bien des remous en début de campagne il y a quelques semaines.

Renaud Muselier (LR) face à Thierry Mariani (RN) et Jean-Laurent Felizia (EELV)

L’occasion est belle pour son ancien ami, Thierry Mariani, de tenter d’attirer les électeurs les plus à droite. L’ancien maire UMP de Valréas, ministre et député du Vaucluse est passé du côté du Rassemblement national. C’est soutenu par le parti de Marine Le Pen qu’il se présente devant les électeurs, dans une région où l’extrême-droite a toujours réalisé de bons scores.

Comme Christophe Castaner en 2015, le Varois Jean-Laurent Felizia - qui n’a pas souhaité compter sur la France Insoumise ou les collectifs citoyens à son "Rassemblement écologique" - est distancé dans les sondages. Et pourrait avoir à se retirer pour empêcher le RN de l'emporter. Cela condamnerait les électeurs de gauche à patienter six années supplémentaires pour se voir représenter au conseil régional.

Si les logiques partisanes ont parfois tendance à être sacrifiées sur l’autel du pragmatisme à l’échelon local, il est bien des compétences de la Région où elles ont leur importance. Quand il s’agit par exemple de parler d’économie, d’écologie et de transports, toutes des compétences qu’aura à exercer le futur président de la Région. 

Des airs d'élection présidentielle

Mais l’on parle aussi beaucoup de sécurité depuis le début de cette campagne, bien que les pouvoirs de la Région soient très limités en la matière. Il faut dire que l'ombre de la présidentielle plane sur ce scrutin régional. Dernière étape électorale avant 2022, il donnera forcément le pouls du pays à Macron, Le Pen, et aux autres. Mais c’est pourtant bien la liste du futur président de la Région qui sera élue le 27 juin au soir. Et dans un État très "parisien", qui ne pourra aller que vers plus de décentralisation, il pourrait avoir à exercer des pouvoirs et des responsabilités de plus en plus importantes.

Gillian Fléqué

Mariani-Muselier, les frères ennemis

À Valréas, là où Thierry Mariani, son adversaire RN aux régionales, fut maire pendant seize ans, Renaud Muselier (LR) tape fort, ce mercredi matin. "L'imposture", "l'itinérant" qui a "déserté la ville", tout y passe, y compris une nouvelle attaque sur une domiciliation aux airs de "Airbnb".

Au Grau-du-Roi où il joue le rapprochement des droites avec son vieux copain Jean-Paul Garraud, ancien de l'UMP comme lui et tête de liste en Occitanie, Thierry Mariani continue de saper les fondations des Républicains, "un parti sans convictions". Le ton est cassant, sec. Il est à peine plus rond à l'encontre de Renaud Muselier. Les deux hommes ont fait leurs classes politiques aux biberons communs du chiraquisme et du sarkozysme. Ils ont joué au rugby ensemble et s'apprécient. Mais le pacte de non-agression évoqué en avril est déchiqueté. "Muselier dit n'importe quoi. Il dit qu'il va porter plainte contre moi, une posture de diversion. Il veut transformer cette élection en combat personnel." On se souvient des haines rentrées, murmures acides entre Marion Maréchal-Le Pen et Christian Estrosi en 2015. Dans un contexte encore plus tendu, où les sondages les placent au coude-à-coude, offrant une réelle perspective de victoire au RN, Renaud Muselier et Thierry Mariani lâchent leurs coups.

Suspicions et accusations

Appartement avignonnais pas vraiment en règle et amitiés russes d'un côté, budget communication explosé et passeport mauricien de l'autre. À grand renfort de réseaux sociaux, les suspicions ont tôt fait de se muer en accusations. Appelant des ripostes sans fin et des petites phrases de plus en plus cinglantes. À trois semaines d'un scrutin régional qui intéresse encore très peu les électeurs, les deux protagonistes du Sud occupent la scène politique en la criblant de balles.

"Ouvre les yeux frères !" lançait, lors de son premier meeting de campagne, Renaud Muselier, après avoir plusieurs fois apostrophé son (ancien) ami du RPR et de l'UMP, Thierry Mariani. Le Président LR de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur grimait notamment son adversaire RN en rassembleur "des crânes rasés et des sous-doués". Si Thierry Mariani assure qu'on ne le prendra pas au jeu des "attaques personnelles", il surfe sans fard sur la vague écumante et dangereuse du soutien de LREM au candidat Muselier. On ne va pas refaire le feuilleton qui a vu la ministre macroniste Sophie Cluzel se présenter et se retirer de l'élection deux fois, tandis que la panique s'emparait du siège des Républicains. À l'arrivée, les départs précipités des maires de Nice et Toulon, Christian Estrosi et Hubert Falco. Le "je ne voterai pas Muselier" du député LR niçois Éric Ciotti, alors que le président sortant de la Région Sud, patron des Régions de France, a toujours l'investiture des siens. Mais subit les aigreurs publiques de Nadine Morano, de Bruno Retailleau ou de Guillaume Peltier qui dit "porter les mêmes convictions" que Robert Ménard, maire de Béziers proche du RN. "Je n'ai pas de leçon à recevoir du numéro 2 du parti", renvoie Muselier, pendant que l'état-major de la droite cherche un peu de colle.

Un laboratoire politique pour Macron

Avec sa liste d'ouverture où se croisent les centristes de son ancienne majorité et quelques nouvelles têtes marcheuses, il sait qu'il nourrit les interrogations des électeurs à l'horizon de la présidentielle 2022. Observant avec délectation ce laboratoire politique imaginé en partie à l'Élysée par Emmanuel Macron et son conseiller ex-UMP Thierry Solère, Marine Le Pen et les siens s'en donnent à coeur joie pour balayer le vieux slogan "UMPS". Et le remplacer d'un facile et approprié "LR-EM". "Bien sûr que le délitement des Républicains nous arrange, ne masque pas le malicieux Gilbert Collard qui fut le premier, en 2012, à se convertir au "marinisme" en devenant député. Même si Peltier est un opportuniste et Ciotti ne m'est pas sympathique, on voit bien que les LR ne sont pas loin de nous." Différentes enquêtes d'opinion le soulignent. Les électeurs de François Fillon en 2017 ne voteraient le 20 juin qu'à une courte majorité pour Renaud Muselier, le reste n'hésitant pas franchir le Rubicon et à voter frontiste. Les députés LR du Vaucluse Julien Aubert et de Marseille Guy Teissier ont indiqué qu'ils ne feraient pas campagne. Certes, Renaud Muselier a repris un peu espoir en lisant le dernier sondage Ifop qui le rapproche de Thierry Mariani au 1er tour (39 % contre 35 %). Surtout, il le donne légèrement en tête cas de duel au deuxième tour (51 % contre 49 %), même si ces chiffres sont la marge d'erreur des sondages.

La gauche hors du portée du second tour ?

Autant d'enjeux qui expliquent aussi les crispations et les volées de bois vert. À gauche, on les observe un peu dépité. On est loin de la joie de début mai lors du dépôt d'une liste d'union de la gauche (PC, PS, etc...) autour d'un candidat écologiste, Jean-Laurent Félizia. Seuls les Insoumis, qui ne présentent pas de liste, manquent à l'appel. Mais les électeurs de gauche ne semblent plus y croire. Les sondages placent tous cette liste en troisième position au premier tour. Hors de portée du deuxième. D'après plusieurs proches de la tête de liste de gauche, la décision d'un retrait ou non pour le deuxième tour, pour faire barrage au RN, n'est pas prise. Et ne le sera qu'après l'analyse des résultats du 20 juin. Jean-Laurent Félizia devant décider seul in fine entre les deux frères ennemis. Ou pas.

François Tonneau

L'assemblée régionales sortante