Vaison-la-Romaine : 30 ans après

Les outils pour se protéger des crues

Le 22 septembre 1992, Vaison-la-Romaine était dévastée par une crue terrible occasionnée par un orage pluvio-orageux d'une rare violence. / Mario Botella

Le 22 septembre 1992, Vaison-la-Romaine était dévastée par une crue terrible occasionnée par un orage pluvio-orageux d'une rare violence. / Mario Botella

Le 22 septembre 1992, Vaison-la-Romaine était dévastée par une crue terrible occasionnée par un orage pluvio-orageux d'une rare violence. / Mario Botella

Marquée dans sa chair, Vaison a mis
en place un arsenal pour prévoir et agir, en cas de besoin

Passé le choc. Passée la gestion de crise, il a fallu comprendre. Le ciel et ses réactions resteront de grandes incertitudes mais avec le temps, des outils météorologiques et numériques ont permis de mieux les appréhender. Tout comme les fluctuations de l’Ouvèze, cours d’eau si calme, à sec l’été, capable de se transformer en torrent quand les cumuls de pluie le font gonfler et sortir de son lit.

"On a retenu de septembre 1992 que la rivière peut nous faire beaucoup de mal et qu'il faut protéger la population de ses risques, indique Jean-François Périlhou, maire de Vaison depuis 2014. On a donc désormais une panoplie d'actions pour anticiper les crues éventuelles, prévenir au plus vite la population et c'est là la mission numéro un de l'élu local et notamment du maire."

Mieux connaître l’Ouvèze

Il y a trente ans, l’Ouvèze n’en était pas à sa première crue. En se replongeant dans des archives parfois oubliées, les autorités de l’époque ont redécouvert celle très violente de 1616, semblable à celle survenue près de 5 siècles plus tard et qui avait également submergé le pont romain. Afin de mieux anticiper la montée des eaux, la ville a ainsi passé un contrat avec une filiale de Météo France, Predict, qui indique la situation de l'Ouvèze en temps réel.
"On a aussi un système de mesure de l'eau en amont de Vaison, à une demie-heure et une heure, en clair à Entrechaux et Buis, développe le maire. Ces repères nous disent où l’eau monte ou si le phénomène se tasse ce qui influe notre plan communal de sauvegarde. On ne verse pas dans le catastrophisme mais je me rends compte que la rivière charge très vite. Lors de la dernière crue de décembre 2019, la rivière est montée à 2m-2m50 alors qu'il ne pleuvait quasiment pas. J’ai l’impression qu'on a un phénomène de ruissellement très actif. On est loin des 17m de 1992 mais ça entretient une vraie vigilance."

Mieux prévenir la population

En matière de risque inondation, deux documents écrits après la catastrophe font foi. Le PPRI, plan de prévention aux risques d’inondation est le document qui régit notamment l’urbanisme. C’est lui qui bloque la construction dans tel ou tel quartier, trop exposé, trop proche de l’Ouvèze. Il va même au-delà des montées d'eau constatées en 1992. "Il y a aujourd'hui une incapacité totale à construire dans des lieux risqués, résume Jean-François Périlhou. On est en responsabilité individuelle, à l'abri. Il y a simplement une responsabilité si un jour il faut être dans le feu de l'action."

Une action qui serait alors régie par le PCS, le plan communal de sauvegarde, à déployer en cas de crise. Il implique des niveaux d’intervention gradués. Quand la rivière monte, différentes actions en découlent, de la fermeture des passages à gué à des alertes auprès de la population concernée. "On a un système qui s'appelle Viappel et lorsque l'eau est, par exemple à 3 mètres, on peut envoyer un SMS d'évacuation en quelques secondes à plusieurs centaines de personnes, par secteurs. C'est ce qui nous distingue de la faible technologie d'il y a trente ans."

Pour s’assurer de l’efficacité de ce PCS, des exercices réguliers sont organisés pour que chacun ait bien en tête son rôle, ce qu’il devrait faire, quand et où. L’ensemble des fichiers de contact sont également régulièrement mis à jour.

Une organisation plus efficiente

Jean-François Périlhou en convient : "Le risque 0 n'existe pas". Mais avec tous ces outils, sa ville semble aujourd’hui davantage prête, si besoin : "En cas de crue, on n'est pas à l'abri d'un accident mais sur la globalité, avec des attitudes rationnelles des administrés, on doit tangenter une sécurité maximale."

Autre élément d’ordre organisationnel, en 2016, la caserne a changé de rive, pour renforcer son efficacité. En plus des difficultés à appeler des renforts, en 1992, les pompiers de Vaion avaient été inondés dans leurs locaux précédents. "Elle se trouvait alors rive gauche, là où c'est le moins peuplé et là où il y a eu le moins de dommages à déplorer, rappelle le maire. Les pompiers étaient piégés parce qu'ils résidaient et devaient intervenir rive droite mais leur matériel de secours était rive gauche."

Une capacité de réaction affaiblie qu’il espère avoir résolue en installant les secours de la ville dans des nouveaux locaux flambant neufs : "Aujourd'hui, la caserne est du côté où les gens vivent de manière majoritaire et c'est un élément de plus dans le panel d'initiative, de mise en œuvre par rapport au risque."

Le maire de Vaison, Jean-François Périlhou (LR) ici en contrebas du pont romain, où s’écoule l'Ouvèze. / Valérie Suau
Photo Valérie Suau
Lancement de la campagne pluies intenses et inondations avec la préfète de Vaucluse Violaine Demaret, le maire Jean Francois Perilhou et les pompiers de Vaucluse / Jérôme Rey

Lancement de la campagne pluies intenses et inondations avec la préfète de Vaucluse Violaine Demaret, le maire Jean Francois Perilhou et les pompiers de Vaucluse / Jérôme Rey

Lancement de la campagne pluies intenses et inondations avec la préfète de Vaucluse Violaine Demaret, le maire Jean Francois Perilhou et les pompiers de Vaucluse / Jérôme Rey

La pédagogie, pour être toujours à l’affut

Avec le temps, vient l’oubli. Positif en cas de traumatisme. Plus négatif quand il s’agit de se rappeler des gestes qui sauvent en cas de répétition du drame. C’est la raison pour laquelle la pédagogie ne s’arrête jamais. Des exercices d'évacuation se tiennent chaque année, notamment dans les écoles (l’une d’entre elles se trouve toujours en zone rouge) et des réunions d'information très régulières permettent de rappeler le risque.

"Si un phénomène de ce type doit revenir, on devra être très rapides, disciplinés et organisés, poursuit Jean-François Périlhou. Vaison a gardé cette culture du risque et de la crise, à tout niveau. C'est à dire se prémunir et s'inquiéter quand il pleut, et puis avoir la capacité à se mobiliser sur un phénomène d'urgence locale où quand il faut aider des sinistrés ailleurs. Et ça notamment parce que la ville a beaucoup été aidée, du fait qu'on a été parmi les premières catastrophes."

Lors des commémorations, qui se tiennent toute la semaine, un hommage sera rendu aux victimes et aux familles sinistrées mais la ville a aussi tenu à se projeter sur des enjeux environnementaux et de culture du risque. De quoi entretenir la mémoire, réduire l’imprévu et limiter les dégâts en cas de crue équivalente

Rencontre avec le Dr Patrick Bellet

Médecin généraliste et hypnothérapeute

Patrick Bellet, médecin généraliste et hypnothérapeute installé à Vaison en 1982, a suivi des victimes directes et indirectes des inondations. / Jérôme Rey

Patrick Bellet, médecin généraliste et hypnothérapeute installé à Vaison en 1982, a suivi des victimes directes et indirectes des inondations. / Jérôme Rey

Précurseur dans le traitement
des troubles de "l’après"

"Ce n'est pas le tout d'énumérer des chiffres, des victimes mais il faut aussi voir ce que les gens sont devenus." L’après, la reconstruction, Patrick Bellet en a fait sa spécialité. Pendant des années ce médecin généraliste et hypnothérapeute installé à Vaison en 1982 a suivi des victimes directes et indirectes des inondations. En précurseur de ce qu’on appelle aujourd’hui syndrome post-traumatique.

"À l'époque, peu de médecins étaient au courant de la pathologie, raconte le praticien. Elle était connue plus particulièrement des médecins militaires. On ne savait pas comment la traiter parce qu'on pensait que les patients étaient fous alors qu’il ne s’agit pas de troubles psychiatriques mais psychiques." Patrick Bellet s’intéressait déjà à la question avant la catastrophe. Il avait ainsi repéré une publication médicale américaine qui ne mettait pas en avant les troubles mais les moyens de les soulager.

À partir du 22 septembre, il a pu le mettre en pratique auprès de patients très divers et s’attaquer d’abord aux diagnostics, à établir si après le traumatisme, pouvaient appraître des troubles communs. "Il y a un faisceau de symptômes, de signes qui quand ils sont rassemblés forment le syndrome, développe le médecin. Ils peuvent être très dispersés et parfois assez banals. Ce qui est typique, c’est que les gens sont dans un état d'alerte, de crainte, font des cauchemars à répétition où ils revivent leur traumatisme, comme figés dans l'instant." C’est là que peut intervenir l’hypnose, qui peut agir sur des aspects psychologiques, physiques et "faire repartir l'horloge intérieure et l'action".

Ce syndrome, Patrick Bellet l’a diagnostiqué et traité sur 25 personnes parmi les milliers de victimes potentielles. Un suivi de 3 ou 4 séances, jusqu’à quelques semaines voire mois pour les cas les plus difficiles. Afin de ne pas rester isolé dans sa pratique, il a aussi très rapidement impulsé une dynamique et une synergie du soin dans le département.

25 soignants réunis tous les mois pour trouver des solutions

Quelques jours après le drame, épaulé d’un confrère psychiatre, Jean-Claude Espinosa et de médecins militaires, Patrick Bellet a en effet tenu une réunion en présence de 140 soignants de tous horizons. "L'idée était de leur enseigner comment on fait le diagnostic pour agir le plus précocement possible et éviter que ça s'enkyste, explique le médecin. C’était un défi de faire travailler des professionnels de santé entre eux."

À la fin, 25 d’entre eux ont accepté de poursuivre l’expérience par des réunions régulières pour le dépistage et le traitement des pathologies. Le tout bénévolement, pendant un an. "On pouvait avoir des infos qui se croisent, un pouvait soigner le mari, l'autre la femme, et ainsi, en protégeant le secret médical, on pouvait avoir idée de l’évolution psychologique et physique de la population de la vallée. C’est une initiative qui est restée unique à mon avis."

Trente ans après, Patrick Bellet a pris sa retraite de la médecine générale mais il poursuit toujours sa carrière de formateur, en hypnose à l’université de Strasbourg. Il a également publié plusieurs livres et fondé les deux premières revues d'hypnose. "Cette expérience a renforcé et donné un élan à ma pratique, conclut-il. Il s’agit d’une pathologie pas si fréquente, mais là j’ai eu beaucoup de cas et j'ai pu appliquer ce que j'avais fait avant de manière éparse. Ça m’a permis de le faire savoir et d’enseigner que ça se soigne. On peut faire cesser les choses sans que ça devienne chronique."

Certains sinistrés ont tout perdu ce 22 septembre 1992  / Ange Esposito

Certains sinistrés ont tout perdu ce 22 septembre 1992 / Ange Esposito

Certains sinistrés ont tout perdu ce 22 septembre 1992 / Ange Esposito

/ Ange Esposito

/ Ange Esposito

/ Ange Esposito

Inondations de Vaison-la-Romaine de 1992 / Ange Esposito

/ Ange Esposito

/ Ange Esposito

Sauvetage dans le centre ville de Violés / Ange Esposito

Sauvetage dans le centre ville de Violés / Ange Esposito

Sauvetage dans le centre ville de Violés / Ange Esposito

Reproduction d'une photo des inondations du 22 septembre 1992 / Ange Esposito

/ Ange Esposito

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Inondations de Vaison-la-Romaine de 1992 / Ange Esposito

/ Ange Esposito

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Sauvetage dans le centre ville de Violés / Ange Esposito

Sauvetage dans le centre ville de Violés / Ange Esposito

Sauvetage dans le centre ville de Violés / Ange Esposito

Reproduction d'une photo des inondations du 22 septembre 1992 / Ange Esposito

/ Ange Esposito

/ Ange Esposito

Inondations de Vaison-la-Romaine de 1992 / Ange Esposito

/ Ange Esposito

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